Interview du chef de la Minusca, Général Babacar Gaye, sur Deutsche Welle

6 mar 2015

Interview du chef de la Minusca, Général Babacar Gaye, sur Deutsche Welle

Le Général Babacar Gaye, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Centrafrique, et chef de la Minusca, Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation de l'ONU en RCA, revient sur les actions menées par la Minusca en faveur de la paix en Centrafrique et la tenue prochaine des élections devant mettre un terme à la transition.

DW : Général Babacar Gaye bonjour !

Général Babacar Gaye (GBG) : Bonjour !

DW : Vous êtes le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RCA, quelle appréciation faites-vous aujourd’hui de la situation générale de sécurité dans ce pays ?

GBG : J’ai le sentiment que la situation sécuritaire s’améliore. Sans doute, aux yeux des Centrafricains, cela ne va-t-il pas si vite. Sans doute y a-t-il çà et là des pics de violences qui peuvent engendrer des déplacements de populations mais, d’une manière générale, la situation s’améliore. Cela, pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il y a eu des renforcements en troupes. Entre la mise en service de la MINUSCA et maintenant, il y a eu l’arrivée de plusieurs bataillons. Parce qu’il y a eu aussi des opérations robustes qui ont été menées, notamment à Bria, et qui ont amené les groupes armés à réviser leurs positions et à adhérer à la tenue des consultations. Nous sommes dans une situation où grâce à un minimum de sécurité sur le terrain, un processus politique est en cours. Raison pour laquelle je suis relativement satisfait de l’évolution de la situation et de l’action de la MINUSCA.

DW : La crise centrafricaine a une connotation intercommunautaire. Y a-t-il aujourd’hui des exemples concrets qui puissent témoigner d’une meilleure ambiance entre les communautés à l’intérieur du pays ?

GBG : Très certainement, vous savez qu’à la veille du forum de Brazzaville il y avait déjà eu, notamment dans la ville de Bangui, des initiatives prises par plusieurs ONGs dont l’ONG PARETO et qui avaient conduit les anti-balaka et les Séléka à signer des documents en vue d’une meilleure entente. Cela m’amène à dire que le problème n’est pas tant la relation entre les communautés mais celui de l’impact des groupes armés sur les communautés. Le problème est celui de la violence extrême et inouïe que ce pays a connue et qui a eu, que les gens le veuillent ou non, un impact sur le mental et l’état d’esprit. Les communautés aspirent à vivre ensemble parce qu’elles ont toujours vécu ensemble. Il n’y a pas entre elles de dissensions ou de contentieux historiques. Il y a eu des circonstances qui ont fait que les gens, malheureusement, ont réagi comme d’autres auraient réagi en pareilles circonstances. Nous pensons que le Forum de Bangui sera l’occasion de lancer le processus de réconciliation et je suis convaincu que les populations vont y adhérer.

DW : Etes-vous aujourd’hui en mesure de nous dire à quand le retour effectif de l’Administration sur toute l’étendue du territoire de la RCA ?

GBG : Je pense que le problème n’est pas tellement un problème de date. Ce qui compte, c’est de bien faire les choses. Si vous prenez la partie Ouest du pays où, pour l’essentiel, il n’y a pas vraiment de groupes armés organisés mais il y a des bandes qui ont profité du vide sécuritaire et étatique pour prendre des responsabilités qui sont absolument illégitimes. Les conditions sont réunies pour un retour de l’Administration. Il ne s’agit pas seulement de remettre en place un préfet ou un Directeur régional de domaine mais il faut aussi que l’on restaure l’outil de travail et la communauté internationale est tout à fait disposée à y aider. Si l’on prend le Centre et l’Est du pays, ce qui vient encore de se passer à Bria où nous avons restauré l’autorité administrative un peu partout, nous l’avons fait par la force. Nous sommes en mesure de le faire partout ailleurs mais la force n’est pas l’option que nous privilégions. Ce que nous privilégions est une option raisonnable, les groupes armés doivent comprendre que leur vocation est de déposer leurs armes et de rentrer dans un processus. Il arrivera un moment où, si nous n’arriverons pas à les convaincre, nous agirons contre ces groupes armés comme nous l’avons fait à Bria. C’est n’est pas mon souhait mais c’est vous dire que je ne peux pas m’avancer sur des dates mais je vous confirme notre détermination et notre volonté.

DW : La mission de l’Eufor-RCA prendra fin la 15 mars prochain. Cela vous suscite-t-il quelques inquiétudes ?

GBG : La fin de la mission de l’Eufor-RCA m’inspire surtout de la gratitude pour l’Union européenne qui nous a aidés à faire la soudure entre le moment où notre mission a été mise sur pied et le moment où tous nos contingents sont opérationnels. Notre plan était d’avoir l’ensemble de notre force à la fin du mois d’avril et nous sommes en très bonne voie à cet égard. Bien évidemment plus nous avons de forces ici, plus vite nous pouvons aller à la sécurité. Eufor-RCA a déjà fait un travail remarquable, je crois que l’Union européenne qui, par ailleurs, est un des partenaires de premier plan de ce pays mérite la gratitude de toute la communauté internationale. En tout cas, elle a celle des Nations Unies.