Sous le pont de Bambari coule paisiblement le fleuve Ouaka, une eau douce qui prend sa source à Ippy, une localité située à 113 km  et qui arrose les terres fertiles de cette ville. Ce fleuve sépare Bambari en deux. Sur la rive droite, à une cinquante de mètres de la berge, se tient un chantier de fabrication de briques.

Une vingtaine d’ex-combattants dont une femme s’activent sur le site. Mobilisés dans le cadre des activités  « Cash For Work » (« argent contre travail » en français) du pré-DDR de la MINUSCA, les bénéficiaires, tous membres du groupe armé des anti Balaka, se partagent, par petits groupes, les taches.

Le plus gros de l’effectif se charge de la démolition du four après quatre jours de cuisson et de refroidissement des briques crues. « Le processus de fabrication des briques prend 45 jours. Nous avons d’abord commencé par défricher le site, creuser le sol pour avoir de l’argile, couper des arbres et chercher du sable fin. Ensuite, nous avons procédé au compactage et au séchage des briques. La dernière étape consiste à cuir les briques dans un four toute une journée avant de les laisser se refroidir pendant trois jours. Et voilà, nous avons nos briques », décrit Siméon Poukesserandji, un des superviseurs du chantier. « C’est vraiment de la petite technologie locale », renchérit avec fierté un de ses camarades.

Dans cette dynamique de groupe, se singularise une femme, la seule d’ailleurs sur le chantier. Nadège SENEDE, la trentaine bien sonnée, fait le tour des équipes pour étancher la soif des travailleurs. « Ma tâche consiste à puiser de l’eau au puit du quartier Kidjigra 1, au croisement plus précisément. Je peux faire deux ou trois voyages par jour », soutient cette dame, mère de sept enfants. Elle mesure l’intérêt de cette activité du pré-DDR et surtout son impact sur le vécu des populations bénéficiaires. « J’ai presque tout perdu dans ce conflit. Ma mère, mon oncle paternel, ma maison, mes biens, etc. Cela a été trop dur pour moi. Mais grâce au pré-DDR, aujourd’hui, je réapprends à vivre. J’ai déjà acheté une charrue pour le transport des marchandises. J’ai pu aménager un grand champ où je cultive de l’arachide, du riz, du manioc, du maïs et du sésame. Je fais également de l’élevage de cabri et de porc et m’m’adonne à l’aviculture »

Son ancien frère d’armes et aîné de deux ans, Gervains Pali, a, lui, occupé durant le conflit de hautes fonctions dans les rangs des anti Balaka. Ancien chef d’Etat-major de Bambari, il a rompu avec la guerre. « Je commandais des combattants avec des armes. Aujourd’hui, je commande des combattants de la paix. Mon arme c’est ma parole », affirme-t-il fièrement. « C’est en janvier que je me suis présenté à la MINUSCA DDR avec mes camarades pour déposer nos armes. Depuis lors, nous participons activement aux activités Cash For Work du pré-DDR… Ici l’intérêt est double. Je gagne de l’argent et j’acquiers un savoir-faire. Maintenant, je suis un expert dans la fabrication de briques. »

Son camarade, Siméon, superviseur également, scrute le ciel et aperçoit l’amoncellement des nuages. Un moment propice pour un petit tour de sa nouvelle condition de vie : « Avec l’argent tiré du Cash For Work, j’assure les dépenses quotidiennes, la scolarité de mes enfants et leur prise en charge sanitaire. Mieux, j’ai réussi à acheter un terrain pour construire ma maison et une parcelle à Nguerengou, au PK 17, sur l’axe Bangui où je cultive de l’arachide. En plus, je me suis payé une « poussette » pour le transport des marchandises ». 

A la question de savoir quel regard les autres portent sur lui qui a choisi volontairement de participer au pré-DDR, il marque un long silence avant de répondre sur un ton rassurant : « partout où je passe dans le quartier, les gens s’intéressent à moi et à ce qui se fait à la briqueterie. On voit en moi déjà un grand entrepreneur », conclut-il avec fierté.

Actuellement, 452 combattants participent dans les différentes activités « Cash For Work » du pré-DDR de la MINUSCA. Pour rappel, ce programme a démarré dans la ville de Bambari le 8 décembre 2015 avec le premier groupe des Ex Séléka délocalisés de Bangui suivi après d’un groupe d’ex-combattants Anti Balaka et ensuite des éléments de ex-SELEKA/UPC.