Affaires judiciaires et pénitentiaires

Mandat, activités, réalisations et perspectives

Après de nombreuses années de conflit armé et de violences en République Centrafricaine, les institutions étatiques, y compris celles des systèmes judiciaire et carcéral ont été entièrement détruites ou profondément affaiblies, donnant lieu à l'impunité des auteurs de violations graves des droits humains. Là où elles existent encore, les prisons connaissent généralement une surpopulation extrême, un manque de nourriture, une absence de soins médicaux adéquats et d’hygiène environnementale. Il est essentiel pour la construction d'une paix durable et de la sécurité, de disposer de cours et de prisons opérationnelles et de garantir la redevabilité des institutions judiciaires et pénitentiaires.

Conformément au paragraphe 33 de la résolution 2217 (2015) portant sur le mandat de la MINUSCA, et en vertu du protocole d'accord du 5 août 2014 avec l’Autorité de transition de la République Centrafricaine, la Section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires (SAJP) mène les activités suivantes pour soutenir les autorités de transition à rétablir la chaîne de justice pénale :

Soutien à la Cour pénale spéciale :

Face à l'impunité et à la faiblesse des institutions centrafricaines, en août 2014, le gouvernement de la République centrafricaine et la MINUSCA ont signé un protocole d'accord dans lequel le gouvernement centrafricain s'engageait à créer, par voie législative, un tribunal pénal hybride avec l'aide de la MINUSCA afin d'enquêter, de poursuivre et de juger les personnes responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis en République Centrafricaine depuis 2003. La Cour pénale spéciale (CPS) a été créée le 3 juin 2015 par la loi organique n° 15.003 en tant que juridiction nationale. Elle est considérée comme un outil essentiel pour mettre fin à l'impunité qui règne en République Centrafricaine, soutenir l'extension de l'autorité de l'État et contribuer au processus de réconciliation nationale. En août 2016, afin de soutenir la création, la mise en place et le fonctionnement de la CPS, le gouvernement centrafricain et les Nations unies ont signé un accord établissant le projet conjoint de soutien à la CPS.

La MINUSCA a joué un rôle fondamental dans la création de la CPS, notamment en soutenant la construction de ses locaux et en contribuant à l'élaboration de son cadre juridique, tel que le règlement de procédure et de preuve de la Cour. Il s'agit de la première fois qu'une mission de maintien de la paix des Nations Unies contribue directement à la création et au soutien à long terme d'un tribunal pénal hybride, créant ainsi un précédent et servant de modèle pour des contextes similaires dans d'autres pays. Au fil des ans, la MINUSCA a continuellement apporté un soutien complet à la Cour en lui fournissant des conseils juridiques, stratégiques et règlementaires, ainsi qu'une assistance en matière de renforcement des capacités, de logistique et d'opérations pendant les enquêtes préliminaires et tout au long des procédures judiciaires, y compris les phases de procès et de réparation des victimes. Elle a soutenu le développement opérationnel et institutionnel de la CPS en renforçant la gouvernance de la Cour et le greffe, et en facilitant les missions d'enquête et d'arrestation. La MINUSCA a également recruté des magistrats et du personnel judiciaire internationaux, et assure la sécurité des locaux du tribunal et des magistrats. À ce jour, elle a contribué à hauteur de 62,5 % au coût total de la CPS, tout en fournissant un soutien technique en matière de budgétisation et d'allocation des ressources. En outre, elle a aidé à coordonner et à

mobiliser des ressources financières et un soutien politique aux niveaux international et national, notamment grâce à un dialogue continu avec le ministre de la Justice de la République Centrafricaine.

Soutenir les efforts pour le rétablissement du système de justice pénale :

La SAJP mène en permanence des actions de plaidoyer auprès des autorités judiciaires, des présidents et procureurs généraux des cours d'appel, des juges et des procureurs de manière à faire avancer les contentieux judiciaires, notamment concernant des suspects de haut profil dont les procédures pénales individuelles sont suivies. En outre, la SAJP fournit une assistance technique aux procureurs, aux juges d'instruction, aux juges et aux officiers de police judiciaire dans le cadre des enquêtes, des poursuites et des jugements relatifs aux infractions pénales dans tout le pays. Cette assistance comprend notamment un soutien à l'organisation de sessions criminelles, d’audiences foraines, d'enquêtes judiciaires dans les prisons et à la protection des victimes et des témoins devant les tribunaux.

Pour contrer la recrudescence de la violence en République centrafricaine en 2014, des mesures temporaires urgentes ont été mises en place conformément à la résolution 2149 du Conseil de sécurité de 2014. La SAJP renforce également les capacités des acteurs judiciaires en leur dispensant des formations sur la justice pour mineurs, les violences sexuelles et sexistes, la protection des victimes et des témoins, les élections, la justice militaire, la coopération judiciaire et toute autre assistance nécessaire.

Soutenir l'extension de l'autorité de l'État dans tout le pays :

En l'absence de tribunaux et centres de détention fonctionnels en dehors de la capitale, le rétablissement du système de justice demeure une priorité pour la MINUSCA. Grâce à des projets à impact rapide, la Mission fournit un appui technique et financier pour la réhabilitation et la rénovation des tribunaux et des établissements pénitentiaires. Depuis 2014, 20 projets de construction ou de réhabilitation d'installations judiciaires ont été réalisés par la SAJP et officiellement remis au gouvernement. La SAJP a apporté un soutien continu au déploiement du personnel judiciaire dans les juridictions qui leur ont été attribuées. Sur les 30 juridictions existantes, la SAJP a contribué au bon fonctionnement de 24 d'entre elles.

Le 1er juillet 2025, plusieurs décrets relatifs au ministère de la Justice ont été signés par le président de la République Centrafricaine, créant de nouveaux tribunaux judiciaires et administratifs et affectant de nouveaux magistrats à travers le pays. La SAJP continue de soutenir la formation et la nomination de nouveaux magistrats, plaide en faveur du bon fonctionnement des cours et le déploiement continu de magistrats formés dans toutes les juridictions du pays. En outre, afin de garantir l'accès des citoyens à la justice et de sensibiliser le public aux infractions pénales, y compris dans les régions reculées du pays, la SAJP apporte chaque année un soutien technique, logistique et financier aux tribunaux régionaux chargés d'organiser les audiences, notamment par le biais de tribunaux mobiles. La SAJP a également encouragé la responsabilisation des tribunaux déployés en dehors de Bangui en engageant le dialogue avec les communautés locales, et soutient les mécanismes de coordination entre les acteurs officiels et non officiels de la justice afin de renforcer la confiance et d'améliorer l'accès à la justice.

En 2019, le ministère de la Justice de la République Centrafricaine a adopté son premier document stratégique, connu sous le nom de Politique sectorielle de la Justice. Avec cette politique, le ministère de la Justice affirme son objectif de rendre le système judiciaire centrafricain plus indépendant, responsable, efficace, accessible et respectueux des droits de l'homme. La SAJP joue un rôle clé en tant que co-coordinateur pour garantir que le gouvernement renforce sa capacité de pilotage et coordonne les efforts de toutes les parties prenantes vers cet objectif.

Réforme du système pénitentiaire :

La SAJP soutient l'État dans le processus de réforme du système pénitentiaire centrafricain afin de garantir sa conformité avec les normes et pratiques internationales en matière d'administration pénitentiaire. Depuis des années, la surpopulation carcérale en Centrafrique entraîne d'importantes pénuries alimentaires, des décès dus à la malnutrition, une détérioration des conditions de vie quotidiennes et un risque accru d'incidents sécuritaires, d'évasions massives et de maladies infectieuses. La situation est particulièrement critique à la prison centrale de Ngaragba, qui dépasse de 304 % sa capacité officielle de 382 détenus. La SAJP de la MINUSCA a mis en œuvre plusieurs initiatives pour remédier à la surpopulation et améliorer les conditions de détention, notamment en créant des unités médicales dans les prisons, en plaidant en faveur de grâces présidentielles et en mettant en œuvre des programmes de réinsertion sociale.

Le renforcement des capacités professionnelles et la formation du personnel pénitentiaire :

Depuis la création de la MINUSCA, la SAJP a joué un rôle central dans le renforcement du système pénitentiaire national grâce à des initiatives soutenues de renforcement des capacités et de formation professionnelle. Sur les 38 prisons qui auraient dû être opérationnelles dans le pays, la SAJP a construit et/ou réhabilité 16 prisons qui sont désormais toutes opérationnelles. La SAJP dispense des formations centralisées a la capitale et sur le terrain au personnel pénitentiaire dans des domaines critiques tels que la sécurité dynamique, la gestion des dossiers, la communication non violente, le respect des droits de l'homme et le traitement des mineurs et des femmes. À ce jour, plus de 400 membres du personnel ont bénéficié de ces programmes, ce qui a permis d'améliorer considérablement les procédures de fouille et de contrôle et de renforcer de manière notable le comportement professionnel du personnel de sécurité. La SAJP organise également régulièrement des sessions spécialisées sur la gestion des crises dans les prisons et anime des ateliers thématiques auxquels participent des experts nationaux et internationaux afin de renforcer les meilleures pratiques. La SAJP a assuré le déploiement de 108 agents fournis par le gouvernement (Government Provided Personnel – GPP) afin de soutenir les structures nationales de gestion des prisons. Afin de professionnaliser davantage les effectifs, la SAJP a soutenu l'élaboration d'une stratégie nationale de démilitarisation, adoptée en janvier 2019. Conformément à cette stratégie, 295 nouveaux agents pénitentiaires ont été recrutés, formés et déployés en 2024 dans les 16 prisons opérationnelles, portant le nombre total de personnel à 405. Ces agents continuent de bénéficier d’un encadrement rigoureux assuré par des experts en sécurité opérationnelle grâce à une colocalisation 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans la prison centrale et son annexe à Bangui.