Les déplacées de Cattin : d’une vie à une autre…

29 sept 2016

Les déplacées de Cattin : d’une vie à une autre…

Le soleil est ardent en cette fin de matinée de fin septembre.  Enthousiaste, le front luisant, Marcelline Saragba sifflote en arrosant les jeunes pousses de légumes sur un lopin de terre. Quelques mètres derrière, Marie Gama, la cinquantaine révolue, retire les mauvaises herbes au milieu des plants. Ces femmes, déplacées internes du site de Cattin dans le 6eme arrondissement de Bangui sont visiblement heureuses de vaquer à ces occupations comme le souligne Marcelline « Je suis tellement contente et même soulagée d’oublier enfin mes journée d’inactivités et de monotonie».

Pourtant, le quotidien de ces femmes n’a pas toujours été celui-là. Victimes collatérales des violences en Centrafrique, elles se sont retrouvées dans des camps de déplacées, emmurées dans la souffrance et la mélancolie.  Une situation qui est loin d’être facile pour les résidents, encore moins une femme, comme en  témoignage Marie qui, jadis, vendait des denrées alimentaires au marché KM5. « Nous faisions face à de nombreuses difficultés au jour le jour, et il n’y avait pas suffisamment d’aide pour tout le monde…nous attendions  la fin de cette crise. »

Marcelline se souvient encore : « « nous avons été forcés de quitter notre quartier. Nous nous sommes retirés dans ce camp pour fuir les attaques des hommes armés». La précarité des conditions de vie qui s’en sont suivies reste encore vivaces dans la mémoire de Martine : « il fallait faire ce choix… malheureusement les conditions de vie ont été pendant longtemps très  difficiles… ma famille et moi partageons toujours notre abri avec huit autres ménages.» 

Aujourd’hui, pour Martine comme pour ses camarades, le temps est loin où il fallait subir la faim et la voir sur le visage des enfants : la plupart de ces femmes ont désormais des activités génératrices de revenus à l’intérieur des camps, et peuvent faire face aux besoins élémentaires de leurs familles. 

Ceci a été rendu possible grâce à une véritable chaine de solidarité qui s’est exercée au premier plan par la MINUSCA qui, entre autres activités, a organisé du 14 au 18 Juillet 2016 à Bangui deux séances de formation dont l’objectif était de sensibiliser les déplacées internes et les prémunir contre les violences sexuelles. Il s’est aussi agi de les former à des activités génératrices de revenus que sont la fabrication de savon et la culture maraichère afin de faciliter leur réinsertion socio-économique.

Un mois après, le résultat est palpable : « enfin, je peux sortir le matin et avoir une activité qui peut occuper mon temps et qui me permet de subvenir aux besoins de ma famille… »,  témoigne Marcelline.  Ce à quoi renchérit Pierrette Houlo, déplacée au camp de FATEB, dans le 1er Arrondissement : « depuis que nous avons commencé la fabrication des savons, nous avons un but dans nos vies et surtout peu à peu nous retrouvons  le sourire ».

Ces activités financées par la MINUSCA se sont déroulées  dans  le cadre d’un projet de réinsertion piloté par sa composante Police (UNPol). Elles visent non seulement à consolider les liens communautaires dans les camps de déplacés, mais aussi à réduire le nombre d’agressions sexuelles tout en renforçant l’autonomie économique des bénéficiaires.

En sa qualité de coordinatrice des camps des déplacés pour le compte de la MINUSCA,  Inès Adoua Guir se dit très satisfaite de la rapide métamorphose de ces femmes « On peut remarquer depuis le début des activités que ces femmes sont redevenues dynamiques, qu’elles mettent une volonté pour sortir de leur situation antérieure » 

L’optimisme est donc permis quant à la situation de ces femmes grâce à l’action du Gouvernement et la solidarité des ONG’s, de la MINUSCA et de quelques particuliers, contribuant ainsi à redonner un sens à leur vie. Mais rien ne remplacera, chez ces femmes, le retour à  leurs quartiers, à  leurs maisons, au milieu de ces endroits où elles ont appris à se construire : « malgré l’amélioration de nos conditions, la vie dans ce camp reste tout de même très difficile pour la plupart d’entre nous. Nous voulons juste rentrer chez nous »,  insiste Pierrette Houlo. 

Puis elle ajoute, un peu dépitée : “Je veux revenir dans mon quartier, mais je ne sais pas quand. Je n’ose pas retourner là-bas, il y a encore des violences sporadiques. Les femmes doivent être femmes, et pour cela, elles ont besoin de liberté. Or il n’y a pas de liberté sans paix. J’espère vraiment que les choses vont changer, pour que la paix revienne, pour que nous puissions toutes et tous rentrer chez nous ». Un vœu que partage, incontestablement, les quelque  450.000 personnes vivant encore dans la cinquantaine de camps de déplacés répertoriés travers le territoire.