Premier anniversaire de l’Accord de paix : des avancées, mais aussi des défis à relever

6 fév 2020

Premier anniversaire de l’Accord de paix : des avancées, mais aussi des défis à relever

Abou Mouhilou Seidou

 

Comme un symbole, c'est la salle de cinéma du Palais de la renaissance de Bangui, témoin de la signature, le 6 février 2019 de la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), à la suite des pourparlers de Khartoum, qui a réuni ce jeudi 6 février 2020, autour du chef de l'État, Faustin Archange Touadera, toutes les parties prenantes, à l'occasion de la célébration du premier anniversaire de l’évènement porteur d’espoirs pour le peuple centrafricain.

Signataires : Gouvernement et Groupes armés. Garants : Union africaine (UA) et Union européenne (UE). Facilitateurs : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEAC), partis politiques.  Société civile. Associations de victimes. Tous ont répondu à l’appel de la paix, pour réfléchir aux différentes avancées enregistrées dans le cadre de sa mise en œuvre, en même temps que les défis qui demeurent à relever.

A l'unanimité ils ont reconnu que des progrès ont été enregistrés. Il y a eu la formation d'un gouvernement inclusif, le renforcement de la présence de l’Etat sur toute l’étendue du territoire, l’opération Désarmement-Démobilisation pour 1321 ex-combattants de huit groupes armés dans l’ouest, la mise en place de la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation (CVJRR), le lancement des Unités spéciales mixtes de sécurité (USMS), la levée de nombreuses barrières illégales, le déploiement et le renforcement sur tout le territoire de l’autorité de l’Etat.

Cependant des coins d'ombres subsistent. L'Accord a été maintes fois violé par des groupes armés pourtant signataires. Lemouna, Koundjili, Bossangoa, Birao, Bria, puis récemment Alindao: des violences qui viennent nous rappeler que la paix n’est pas encore acquise. Les Garants et Facilitateurs ont, dans leur communiqué conjoint publié la veille, condamné ces actes qui continuent d’entraîner des pertes en vies humaines, de forcer des populations à se déplacer, et réitéré leur appel à l’attention des signataires et des non-signataires pour la cessation définitive des violences, le respect scrupuleux de l’Accord.

Pour l'Ambassadeur Adolphe Nahayo, Représentant les Garants, le plus grand défi de l’Accord est la différence d'appréciation de la profondeur de la crise centrafricaine par les différentes couches de la population. Il est donc important de poursuivre sa vulgarisation, afin d’en assurer l’appropriation par le peuple à la base.

L’Ambassadeur de la République démocratique du Congo, Esdras Bahekwa, au nom des Facilitateurs, est revenu sur la coopération des pays frontaliers de la Centrafrique, et précisé que le règlement des problèmes transfrontaliers est important, dans ce sens qu’il réduira les difficultés liées à la transhumance et à la prolifération des armes de toutes sortes.

Au nom des femmes, Annette Ouango, première vice-présidente de l’Association des femmes centrafricaines, estime que « le contenu de l’APPR reste encore méconnu de la majorité de la population, même des groupes armés », et déplore que les femmes en soient toujours les victimes principales, parce qu’elles subissent maltraitances, viols et autres abus sexuels.

Le porte-parole des associations des victimes, tout en déplorant les nombreuses violations dont l’Accord a souffert dans sa première année de mise en œuvre, salue les avancées enregistrées, invite les signataires au strict respect de leurs engagements, et souhaite la définition et l’application sans délai de sanctions ciblées en cas de violation.

Victimes auxquelles Ascain Zengue, porte-parole des 14 groupes armés signataires, exprime "regrets et désolation pour tout le tort commis" et "demande pardon " au nom de ses pairs. Le représentant des groupes armés a, en outre, réclamé l'application effective du régime de sanctions prévues en cas de manquements aux engagements.

L’Accord demeure la seule voie viable vers une paix durable en RCA

Francis Mongombe, Président du Conseil national de la jeunes (CNJ) s’est fait le porte-voix des jeunes qui n'ont pas accès à l'éducation du fait des nombreuses violations, pour appeler à la cessation des hostilités dont la jeunesse est la victime sans voix. Il a insisté sur le fait que « l'Accord doit être un cadre de paix et de dialogue pour reconstruire le pays, pas pour mettre en œuvre des agendas personnels ». 

« L’Accord demeure la seule voie viable vers une paix durable en République centrafricaine. Il n’est pas à renégocier mais plutôt à exécuter, et de bonne foi, dans le dialogue et la concertation, en territoire centrafricain»,a justement rappelé Mankeur Ndiaye, Chef de la MINUSCA qui, au nom des Nations Unies, « félicite le Président Touadera pour son engagement, et encourage les efforts du Premier ministre, Firmin Ngrebada», tout en réaffirmant l'entière disponibilité de la MINUSCA à accompagner le processus de paix. Le Représentant spécial du Secrétaire général déplore, en outre, les violations des droits de l'homme, notamment des femmes et des enfants, et appelle toutes les parties au strict respect de leurs engagements contenus dans l’Accord de paix. Ceci est d’autant plus important que la Centrafrique qui connaitra cette année d’élections auxquelles Mankeur Ndiaye a réitéré le soutien effectif de la MINUSCA pour la tenue, dans les délais constitutionnels, de scrutins paisibles, démocratiques, inclusifs et transparents. 

Samuela Isopi, Représentante de l’Union européenne en RCA, a rappelé la coopération entre l’UE et la Centrafrique, en mettant l’accent sur ce qui a été fait en acquis de dividendes de la paix, de même que ce à quoi le peuple peut aspirer davantage, notamment le soutien de l’Union à l’organisation des prochaines élections. « Il y a eu des accords par le passé. Mais celui-ci est le seul qui vit et qui tient. C'est déjà un succès que nous devons saluer. Certes il n'est pas parfait, mais il demeure le seul cadre viable vers la paix en #RCA », a-t-elle tenu à rappeler.

Prenant la parole, le Président Faustin Archange Touadera a fait observer une minute de silence en mémoire des victimes de la crise, qu’ils soient citoyens centrafricains, travailleurs humanitaires ou des Nations Unies, tout en déplorant, qu’un an après la signature de l’Accord, certaines mauvaises habitudes persistent, qui se traduisent par des tueries, des violations graves des droits de l'homme. 

« Dans tout accord de paix il existe des défis à relever et des remises en question permanentes. L'unique voie dans le contexte de notre pays reste la voie de la paix et de la recherche du dialogue national. Il n'y a pas d'autres alternatives possibles », a rappelé le Chef de l’Etat qui salue, par ailleurs, la contribution de la MINUSCA, des Garants et Facilitateurs dans la mise en œuvre de la stratégie de vulgarisation de l’Accord qui porte déjà ses fruits. Cependant, il les invite, un an après, à mettre fin à la période d'observation pour passer à l'action, en appliquant le régime des sanctions contre les violateurs de l'Accord.

Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans un message vidéo qui a été projeté à l’assistance, a indiqué que « Le peuple Centrafricain, dans toutes ses composantes, doit être au cœur du processus de paix ». Un engagement collectif qui en garantira à coup sur le succès, pour une paix durable en République centrafricaine.

 

 

PDF iconDiscours de son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l'Etat (06 février 2020)

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