Alindao : quand l’école renait de ses cendres

8 jan 2019

Alindao : quand l’école renait de ses cendres

Il est à peine huit heures en cette matinée de janvier à Alindao, lune des six sous-préfectures de la Basse-Kotto, au sud de la Centrafrique. Sur le site du camp « catholique » de personnes déplacées, quasiment vidé de ses résidents, lécole Madinga, un établissement de cours primaire dun effectif de 1.047 élèves. Sur la dizaine de ses salles de classes, quatre ont encore leurs toitures, ayant échappé à lincendie meurtrier et au pillage qua connu le camp lors des récentes attaques de novembre dernier. 

Sur place, des enseignants sactivent tant bien que mal à mettre les enfants en rang. Un enfant sécarte de la file et se met à larmoyer en se plaignant davoir faim... mais encouragé par son instituteur, lenfant regagne le rang et, comme ses camarades, se met à fredonner la Renaissance, lhymne national de la Centrafrique. Puis les écoliers entrent, par petits groupes, dans les salles de classe et sasseyent... à même le sol, soulevant un petit nuage de poussière.

 Dun pas décidé, le directeur de lécole, Samedi Macaire Kindego, fait le tour des classes pour distribuer des bâtons de craies à ses enseignants mais aussi pour sassurer que tout va bien. « Un bâton de craie blanche par classe. Nous navons pas de craie de couleur. Elles coutent trop cher. Et puis, nous essayons de gérer rationnellement le peu de stock que nous avons ». Le stock en question est en réalité un paquet de craie acquis grâce à la générosité dun officier du bataillon rwandais de la MINUSCA, dont la base se trouve tout juste en face de lécole Madinga. « La proximité du camp avec lécole explique certainement la raison pour laquelle certains éléments rwandais se sont pris de sentiment pour ces enfants. De temps en temps, certains dentre eux nous donnent mille ou deux mille francs FCA ; et cest avec cet argent que jachète de la craie », révèle M. Kindego, lui-même rescapé.

En effet, Samedi Macaire Kindego, tout comme une grande partie des habitants du camp, a été victime des affrontements meurtriers du 15 novembre 2018. Un jeudi noir pour Alindao et ses environs qui ont été le théâtre daffrontements violents entre des éléments armés ex-Selekas de lUnité pour la paix en Centrafrique (UPC) et anti-Balakas, occasionnant des pertes en vies humaines, la fuite massive des déplacés internes et des destructions de biens. « Les miens et moi navions eu la vie sauve quen nous cachant dans la forêt, mais nous avons tout perdu. Ils ont tout brûlé », témoigne-t-il, essayant de refouler ses émotions.

 Mais ce passionné de lenseignement ne sest pas laissé démonter par ces tristes évènements. Il a reconstruit son habitation, puis sest attelé à la recherche de ses élèves, dont certains ont trouvé refuge dans des localités voisines telles Datoko, à une dizaine de kilomètres dAlindao. Guidé par sa seule détermination, il a réussi à ramener une dizaine de gamins, dont la plupart dorment chez lui. Nombre dentre eux ont perdu leurs parents lors des violences. Aujourdhui, 327 écoliers ont repris les cours, ainsi que cinq instituteurs dont deux titulaires et trois parents qui simprovisent enseignants. Les autres titulaires, eux, ont trouvé refuge à Bangui. 

Le directeur confie que lune des raisons qui lont motivé à rouvrir les portes de son établissement est la présence effective du bataillon rwandais de la MINUSCA, déployé en renfort aux lendemains des événements, tout comme les casques bleus gabonais« Leur présence nous rassure. Mais ce nest pas suffisant pour faire fonctionner lécole. Nous navons plus de fournitures, plus rien. », dit-il, visiblement dépité. 

 Vers neuf heures, une clochette retentit, et la grande cour de lécole est prise dassauts par les cris de ses petits pensionnaires. « Cest tout pour aujourdhui. Nous essayons de ne pas garder les enfants trop longtemps en classe parce que la plupart dentre eux sont venus le ventre vide. Lidée, cest de faire en sorte quils ne perdent pas les habitudes », conclut Samedi Kindego, avec lespoir dune reprise effective dans un proche avenir.

Et cest pour eux, à linstar de autres habitants dAlindao, que les casques bleus de la MINUSCA y ont établi une présence renforcée, afin de prévenir de nouveaux affrontements tout en sécurisant le retour des déplacés. La protection des civils est aussi à ce prix.