Discours de Mme. Diane Corner, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général en République centrafricaine, à l’occasion du 2ème anniversaire de la MINUSCA

16 sept 2016

Discours de Mme. Diane Corner, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général en République centrafricaine, à l’occasion du 2ème anniversaire de la MINUSCA

En présence de représentants du gouvernement centrafricain, des membres du corps diplomatique accrédités en Centrafrique et de représentants d’organisations internationales,  la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies, Diane Corner, a délivré une allocution à la faveur d’une cérémonie ayant marqué  le deuxième anniversaire de la MINUSCA, le 15 septembre 2016.  Diane Corner retrace le long chemin parcouru par la mission dans les efforts  vers la paix et la normalité aux côtés des autorités centrafricaines depuis 2014.

« Nous pouvons regarder les deux années écoulées avec un profond sentiment d’accomplissement »

M le Ministre du Plan, représentant personnel de son Excellence le Premier Ministre M Simplice Sarandji

Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres,

Excellence Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations Internationales,

Distingues invités,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Merci tous d’être venus si nombreux ce soir  parmi nous. Comme vous le savez, le Représentant Spécial est en mission, en route pour l’Assemblée Générale à New York, mais il aurait bien voulu être avec vous tous ce soir.

Il y a deux ans que les contingents militaires de la MISCA sont passés sous la bannière des casques bleus pour servir sous le mandat de la MINUSCA marquant le début de la pleine acceptation de la Mission de son nouveau rôle en tant que mission de maintien de la paix en République centrafricaine.  Quel long et remarquable parcours !

Il y a deux ans, la RCA était un pays dévasté par la guerre qui sortait lentement des terribles jours de 2013 et 2014, témoins de massacres et destruction dans tout le pays. La MINUSCA a assumé ses responsabilités face à des attentes très élevées. Mais le paysage était sombre. Il  y avait des groupes armés présents dans chaque région du pays. Il y avait un nombre élevé de violations des droits de l’homme commises plus particulièrement contre les femmes et les enfants.

C’est à Bangui en octobre que la MINUSCA a dû faire face à la première grande épreuve quand la ville a sombré dans le chaos. Toutefois, la police et la force de la MINUSCA,  avec l’appui de Sangaris la force française, et EUFOR la force européenne, ont permis au processus de transition de continuer.  

En janvier 2015, les consultations populaires ont débuté et se sont prolongées jusqu’en mars 2016. Certains groupes armés dans certaines régions du pays étaient prêts à les empêcher, mais le peuple l’a emporté. La MINUSCA a assuré la sécurité et ces consultations se sont écoulées sans aucun incident sécuritaire majeur.

La MINUSCA et ses partenaires du G8-RCA soutenaient également les préparatifs pour le Forum de Bangui. Cet évènement historique a rassemblé plus de 700 centrafricains venus des quatre coins du pays pour 6 jours de discussion paisible et de prise de décision. Le Forum a débouché sur une série de conclusions remarquables qui ont servi de modèle pour le futur.

Au Forum la plupart des groupes armés ont signé un accord sur le DDR qui reste toujours la base du processus de DDR actuel. La MINUSCA et ses partenaires du G8 ont aussi fortement supporté le processus de négociation, y compris pour la MINUSCA en expliquant de manière claire les conséquences de la non-acceptation du chemin de la paix. 

Malheureusement les tensions politiques ont remonté et la violence qui est revenue à Bangui le 26 septembre 2015 a continué jusqu’en octobre et début novembre 2015. Une fois de plus, la MINUSCA, appuyée par Sangaris, a su l’emporter. Le bilan fut lourd avec au moins 41 morts enregistrés par la division des droits de l’homme de la MINUSCA, alors que le bilan réel était certes plus lourd. Outre des actes contre la MINUSCA et les agences onusiennes, cette violence sauvage a également visé des ONG internationales qui font tant pour les plus pauvres de ce pays.

Toutefois, la MINUSCA et ses partenaires du G8-RCA n’ont pas perdu l’espoir, et  d’autres non plus. Le Saint-Père, le Pape François, avait déjà le projet de rendre visite en RCA avant la fin de 2015 et malgré de durs avertissements de sécurité, rien n’a su l’arrêter.  La MINUSCA a appuyé sa visite du début à la fin y compris en déployant l’équipe de protection de sécurité personnelle du Secrétaire général, une première dans l’histoire des Nations Unies. En travaillant de très près avec les autorités de la transition, la MINUSCA a fourni un support logistique et sécuritaire pour s’assurer du succès de cette visite. Et oui, la MINUSCA a même fabriqué la Papamobile.

La visite du Pape a permis la transformation du climat politique. La campagne électorale a commencé au début de décembre 2015. La MINUSCA et ses partenaires du G8 ont appuyé le processus électoral de  toutes leurs forces – et pour nous c’était sécuritaire, logistique, technique et bien sûr politique. Chaque homme et femme de la MINUSCA était impliqué. L’appui aux élections tour après tour dans ce grand pays a été aussi un défi logistique colossal. Et pourtant le résultat était un Président élu avec une majorité claire et une Assemblée qui pouvait proclamée - à juste titre - qu’elle représente le peuple de ce pays.

Il y deux ans, qui aurait pu penser que la RCA pouvait arriver si loin et qu’elle pouvait être considérée comme un modèle de bonnes pratiques électorales pour le reste de la région de l’Afrique centrale ?

Mesdames, messieurs,

Il y a tant de choses que je pourrais partager avec vous ce soir sur le travail de la Mission au cours de ces 2 dernières années. Pendant cette période, la MINUSCA a établi son Quartier-General et 11 bureaux régionaux pour accomplir son mandat. Sa force militaire est présente dans plus de 40 bases pour la protection des civils. La Force a également pris des actions robustes à plusieurs reprises, y compris a Bria et Bambari in février 2015 et Dekoa en octobre 2015, et en montrant sa présence avec plus de 4,000 patrouilles hebdomadaires pour protéger les civils. Nos casques bleus ont aussi assuré la protection de plus de 800 convois commerciaux et humanitaires, pour maintenir ce pays en vie. Des ingénieurs militaires ont réhabilité plus de 630 km de route et 25 ponts. Nos unités de police ont appuyé les autorités judiciaires, et ont fourni des formations pour plus de 3,000 policiers et gendarmes centrafricains et en travaillant à leurs côtés aux postes de police. 

Les officiers des droits de l’homme soutiennent les victimes dans toute la RCA et recueillent leurs témoignages qui serviront un jour comme preuve pour juger les auteurs présumés des crimes atroces. Les officiers de protection de l’enfance négocient avec les groupes armés afin de libérer les enfants enrôlés dans leurs rangs. Depuis 2014, environ 7,000 enfants, y compris 2,000 filles, ont été libérés. Les officiers des affaires civiles ont appuyé les efforts de réconciliation, y compris les efforts des autorités de mettre fin aux enclaves, par exemple à Berberati et à Carnot. Pour appuyer la restauration de l’autorité de l’état, la MINUSCA a entrepris plus de 105 projets, y compris la réhabilitation de mairies, de stations de police, prisons, marchés et autres bâtiments, et en appuyant des projets locaux pour protéger les civils et favoriser la réconciliation, et le travail continue… Quant aux officiers judiciaires, ils ont appuyé la tenue des premiers procès à Bangui en cinq ans et ont également appuyé les instances judiciaires à Bouar, Bambari, Bria et ailleurs. Les officiers correctionnels ont aidé à sécuriser des prisons et à s’assurer que les évasions massives de prisonniers comme celle de septembre 2015 ne se reproduisent plus.

La MINUSCA appuie également la réforme du secteur de la sécurité en commençant la réhabilitation du Camp Kasaï en 2014 et Camp Leclerc à Bouar cette année, ainsi qu’en appuyant le développement d’une nouvelle vision et stratégie pour les forces de défense et de sécurité centrafricaines pour s’assurer que les erreurs du passé ne se répètent plus, et que le peuple centrafricain sera protégé contre les menaces et les crimes.  

Et la MINUSCA soutient également le processus de DDR. Le programme de pré-DDR comprend déjà plus de 4,000 ex-combattants de groupes armés avec plus de 11,000 armes, explosifs et munitions collectés. Les programmes de réduction de la violence communautaire sont en cours à Paoua et Bangui et seront élargis ailleurs dans le pays. Nous appuyons les plans du gouvernement afin de lancer le programme complet de DDR au plus vite possible.

Mesdames, messieurs,

La MINUSCA est souvent critiquée par ceux qui peut être ne sont pas au courant de ce que je viens d’évoquer, ou ceux qui ne sont  pas en faveur du retour de l’ordre constitutionnel en RCA, qui regrettent que leur capacité à profiter du chaos soit réduite. Et certes la MINUSCA n’est pas parfaite. C’est pour cela que nous sommes en permanence en train d’apprendre nos leçons et améliorer le travail.

Mais c’est remarquable de se pencher sur ces deux dernières années et de voir combien les choses ont progressé.

Au centre des défis permanents, certaines fois il est important de voir en arrière pour apprécier le chemin parcouru. Nos amis centrafricains comprendront certainement mieux que nous combien le chemin a été difficile. Il faut seulement rappeler que depuis les années 1990, il y a eu de multiples missions de maintien de la paix en RCA, et de nombreux accords de paix, chacun promettant être la solution définitive, chacun manquant à sa parole.

Vu la complexité du conflit en Centrafrique, et la profondeur de ses racines, la mission de la MINUSCA n’aurait jamais été une mission facile. Il reste un long chemin toujours pour assurer une stabilité durable au peuple centrafricain. Pourtant, je reste profondément optimiste. J’ai mentionné les élections mais j’aimerais aussi faire référence au taux de croissance économique, passant de 5% l’année dernière à 6% pour cette année fiscale, la BEAC attribuant cette hausse à une amélioration de la situation sécuritaire. Et si on revient aux deux dernières années, les succès que la Mission ait pu faire en appuyant les efforts des femmes et des hommes de courage et de bonne foi en RCA ont dépassés toutes les estimations.  Je voudrais reconnais la présence entre nous des autorités de la transition, l’ancien Premier Ministre Kamoun et l’ancien Président du CNT Nguendet. Mais c’est aux centrafricains et centrafricaines que je rends hommage ce soir. C’est le peuple qui nous a tous  inspiré, qui a décidé de rejeter la violence et choisir le chemin de la paix. Chapeau aux centrafricains. ! Alors, nous pouvons tous regarder ces deux années écoulées avec un profond sentiment d’accomplissement. Il y aura beaucoup de travail à faire, et plein de problèmes et de difficultés, mais ensemble on va y parvenir.

Je vous remercie tous.