Le système judiciaire à nouveau fonctionnel à Bambari

8 fév 2018

Le système judiciaire à nouveau fonctionnel à Bambari

Il est 10h ce mercredi 7 février 2018, la salle d’audience du Tribunal de Grande Instance de Bambari est noire de monde. De nombreux parents de détenus ou simples curieux sont venus assister à l’audience correctionnelle des flagrants délits qui se tient chaque mercredi et vendredi. A la barre, 24 prévenus poursuivis entre autres, pour vols de biens, enlèvements d’enfants ou détention illégale d’armes de guerre. La Cour s’installe, aidée de deux interprètes et composée du Greffier en chef, du Procureur de la République représentant le Ministère public, d’un avocat des prévenus et présidée par le Magistrat Olivier Wanaboum ; l’audience peut commencer. 

Pareille session correctionnelle à Bambari, il y a encore quelques mois relevait de l’utopie, tant le système judiciaire dans la région de la Ouaka apparaissait bien dépareillé, sans infrastructures, ni personnel judiciaire. Il a fallu tout refaire comme en témoigne Touwende Tougouma,  spécialiste des Affaires judiciaires à la MINUSCA de Bambari. « On est reparti de zéro après la crise de 2014 au cours de laquelle les infrastructures judiciaires avaient été détruites et les archives pillées. A l’arrivée de l’équipe judiciaire de la MINUSCA en juillet 2015, aucun magistrat n’était déployé à Bambari », se rappelle-t-il.

En collaboration avec les autorités nationales, la MINUSCA s’est donc assignée pour mission de restaurer l’ensemble du système judiciaire de la région, en ayant comme point de départ Bambari, la capitale de la Ouaka. « Grâce aux Projets à Impact Rapide initiés par la MINUSCA et avec l’appui des ONG locales, la Cour d’appel, le Tribunal de Grande Instance et la Maison d’Arrêt ont été reconstruits et dotés en matériels », indique Tougouma qui insiste également sur le plaidoyer mené en faveur du Ministère de la Justice pour le redéploiement de magistrats et autres personnels afin de redémarrer la machine judiciaire. 

Le premier à avoir rejoint Bambari en janvier 2016 fut le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance, Éric Tandjio, suivi plus tard du Président du Tribunal de Grande Instance, le greffier en chef et plusieurs autres hommes de lois. « Si les débuts ont été pénibles parce qu’il y avait peu de personnels judiciaires et presque pas de moyens matériels, aujourd’hui, les conditions sont bien meilleures. Nous travaillons dans un tribunal rénové et l’équipe judiciaire est bien étoffée à Bambari », souligne le Procureur Tandjio qui se réjouit même de la présence de magistrats dans les juridictions relevant de Bambari telles qu’Alindao, Mobaye, Bangassou et Bria.

Le système pénitentiaire poursuit sa marche…

La Maison d’arrêt de Bambari fermée durant plus de 3 ans a rouvert ses portes depuis septembre 2017. Bien que réhabilité une première fois en 2016, cet établissement pénitentiaire n’avait pu immédiatement redémarrer en raison, selon l’officier pénitentiaire de la MINUSCA, Sinadja Tantagou, de « l’hostilité des groupes armés qui entretenaient une justice parallèle avec des décisions expéditives, voire arbitraires et des cellules exiguës et insalubres où ils entassaient des dizaines de détenus ». L’opération militaire « Bekpa » qui, en mars 2017, a fait de Bambari une ville sans groupes armés, a permis le redéploiement de l’Administration dans la ville et favorisé du coup la réouverture de la Maison d’arrêt. D’une capacité d’accueil de 66 détenus, l’établissement pénitentiaire enregistre actuellement une quarantaine de prisonniers, tous des hommes. La petite équipe pénitentiaire, forte d’un régisseur et de deux surveillants, s’évertue au quotidien à refaire fonctionner un établissement dont la réhabilitation se poursuit avec la construction d’un quartier pour les femmes adultes, allaitantes ou les mineures ; projet en cours grâce à un financement de la MINUSCA. « Bien que la prison soit maintenant opérationnelle, le personnel pénitentiaire reste insuffisant et l’alimentation des détenus est un casse-tête permanent en raison de la faiblesse de la dotation financière mensuelle qui nous est allouée», déplore le Régisseur Zachée Pirioua-Yatongjo. Pour résoudre la question de l’alimentation, l’unité pénitentiaire de la MINUSCA a initié l’idée d’un jardin potager dans la cour extérieure de la prison entretenu par les détenus eux-mêmes. « Une partie des légumes récoltés du jardin permet de compléter l’alimentation des détenus et l’autre est destinée à la vente afin d’acheter des produits courants de consommation tels que le manioc », assure Sinadja Tantagou. « Le jardinage peut être aussi pour ces détenus une bonne opportunité de reconversion socio-économique à leur sortie », ajoute-t-il.

Dans un état de déliquescence il y a encore quelques années, la chaine pénale à Bambari est donc à nouveau opérationnelle. Pour autant, certaines difficultés demeurent qui entravent son plein fonctionnement. « Les magistrats exerçant dans les juridictions en dehors de Bambari, telles Alindao ou  Mobaye, sont encore confrontés à l’insécurité et à la présence des groupes armés dans ces zones. L’absence de matériels roulants, de résidences voire de bibliothèques pour les magistrats sont également des contraintes qui nous empêchent d’être pleinement efficaces », regrette le Procureur Tandjio qui reste tout de même confiant. « Nous avons bon espoir avec le soutien de la tutelle et d’autres partenaires clés tels que la MINUSCA ou le Gouvernement américain que nos difficultés trouveront des solutions parce que la justice est un des piliers essentiels pour la lutte contre l’impunité et la consolidation de la paix en République Centrafricaine », assure-t-il. Même souhait au niveau de la Maison d’Arrêt de Bambari, dont le Régisseur espère, dans les prochains mois, du personnel additionnel, avec l’opération nationale de recrutement de 150 surveillants et agents pénitentiaires lancée en janvier 2018 par le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, avec l’appui de la MINUSCA.