Parfait Onanga-Anyanga : “Nous sommes dans un processus qui avance difficilement, mais qui avance”

10 fév 2018

Parfait Onanga-Anyanga : “Nous sommes dans un processus qui avance difficilement, mais qui avance”

Dans une interview exclusive accordée, le 06 février 2018, à GUIRA FM, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République centrafricaine et Chef de la MINUSCA, Parfait Onanga-Anyanga, passe en revue 2017 et les efforts en cours pour consolider les acquis et relever les défis persistants, principalement relatifs à la présence et aux activités des groupes armés et leurs impacts sécuritaires et humanitaires sur les civils. Il est aussi question des nouvelles priorités de la Mission telles que définies par le Conseil de sécurité pour une adéquation optimale avec nouvelles exigences de la RCA…

Guira FM : Monsieur le Représentant spécial, nous entamons une nouvelle année avec un nouveau mandat de la MINUSCA. Quel bilan faites-vous de la mise en œuvre du mandat précédent ?

Un bilan globalement satisfaisant. C’est le bilan d’un pays qu’on a aidé à installer les fondations de sa renaissance. Nous sommes dans un effort avec le gouvernement centrafricain pour aider justement à la reconstruction de ce pays, à l’extension de l’autorité de l’Etat et nous pouvons aujourd’hui nous satisfaire de sa présence qui est de plus en plus accrue quasiment sur toutes les préfectures du pays. Nous avons trois autres préfets qui vont bientôt être installés dans la Nana-Gribizi, la Vakaga et la Bamingui-Bangoran. Donc nous sommes dans un processus qui avance difficilement mais qui avance. Et puis 2017 a été aussi l’année des grandes opérations de la MINUSCA ;  rappelez-vous Bambari, Ippy,  Bocaranga… et nous sommes contents de voir que ce dynamisme se poursuit encore cette année comme on vient de le faire récemment à Paoua.

 

Parfait Onanga-Anyanga : Alors qu’est ce qui a nécessité un nouveau mandat pour la MINUSCA ?

C’est d’abord le constat que le travail n’est pas fini. C’est le constat que malgré le travail que nous faisons, il y a ici et là, à travers le pays, une vraie recrudescence de la violence, et donc c’est  le constat aussi que nous travaillons à flux tendu avec des moyens limités et qu’il fallait donc faire quelque chose. Le Conseil devait apporter une réponse à ces carences notées ; d’où la décision du Conseil de Sécurité d’accroitre les capacités de la MINUSCA. Mais le Conseil n’a pas fait que cela ; il nous a demandé de recentrer justement notre action sur ce qui peut être considéré comme les missions prioritaires du maintien de la paix comme la protection des populations civiles. Evidemment, l’appui aux institutions démocratiques de l’Etat, l’appui surtout à un processus politique parce que le Conseil de Sécurité se rend bien compte qu’une solution militaire qui ne serait pas sous-tendue par un processus politique ne mènerait à rien. Donc, le Conseil nous demande de faire valoir  la primauté du politique et de voir comment justement on peut aider à un processus politique qui pourrait permettre d’avoir une perspective de sortie de crise durable. Et c’est en cela que nous sommes partenaires de l’initiative africaine que nous soutenons aux côtés du gouvernement. Et il est clair que dans l’état actuel des choses avec cette myriade de groupes armés dont certains se caractérisent par des activités plutôt criminelles,   il est bon et il est important qu’il y ait une présence des forces de sécurité légitimes. 

Sur le terrain, les choses se bousculent en ce début d’année. Il y a par exemple le projet pilote DDR qui porte déjà des fruits avec un premier groupe d’ex-combattants qui sont arrivés au terme de leur formation. Il y a aussi Paoua où pour la première fois des soldats de l’armée centrafricaine ont combattu aux côtés des Casques bleus contre des groupes armés. De nouvelles réflexions sont aussi menées au siège de l’ONU sur les opérations de maintien de la paix et en Centrafrique une nouvelle dynamique de la justice. Au regard de tout ceci, que pouvez-vous dire des priorités de la MINUSCA en 2018 ?

Nos priorités sont celles définies par le Conseil de sécurité. D’abord, la protection des populations civiles va demeurer au cœur de notre mandat ; nous pensons pouvoir le faire de mieux en mieux non seulement avec les capacités additionnelles autorisées par le Conseil de Sécurité mais aussi, et il faut s’en réjouir, avec cette coopération plus accrue avec les forces de sécurité intérieure et de défense centrafricaines comme nous venons de le faire récemment à Paoua. Mais nous l’avons fait déjà à Bambari où une centaine de forces de sécurité intérieure avaient été déployées pour accompagner justement « l’opération BEKPA » que nous avons menée l’année dernière. Donc, nous allons poursuivre cet effort, et nous sommes confiants que, travaillant évidemment la main dans la main, nous réussirons à élargir l’espace de la légitimité de l’Etat. Il y a un travail immense qui est en train de se faire sur le plan de la restauration de l’autorité de l’Etat ; nous avons une cartographie de cette présence de l’Etat, et il faut se réjouir que grâce à tous ces efforts une présence de l’Etat, qui était avant la crise à plus de 6.000 agents qui avaient tous quitté leur lieux de services  dans les différentes préfectures, se reconstituent. Aujourd’hui, nous avons plus de 3.000 de ces agents qui sont déployés grâce à cette collaboration avec le gouvernement. Donc cela est un progrès en soi, et il faut le consolider.

Il faut faire en sorte qu’avec le retour toutes les conditions soient créées y compris les questions aussi simples que payer les salaires des fonctionnaires. Aujourd’hui, nous sommes engagés dans un dialogue y compris avec le secteur privé pour les encourager justement à se réinvestir en dehors de Bangui et nous espérons que Bambari pourrait être une prochaine étape.  Il faut regretter malheureusement que la recrudescence des violences dont nous avons été tous témoins a entrainé de nombreux réfugiés et déplacés internes, des chiffres plutôt ahurissants… ma collègue Mme Najat Rochdi en a parlé il y a seulement quelques jours. Nous sommes dans un travail qui reste évidemment multiforme, multidimensionnel et nous allons attaquer tous ces fronts en même temps pour espérer réussir cet immense pari de consolider la paix en République centrafricaine. Et 2018 est vraiment une année où nous pensons que des transformations profondes pourraient évidemment avoir lieu. 

Est-ce que des dispositions particulières ont été prises justement pour sécuriser ces fonctionnaires qui reprennent leur fonction à l’intérieur du pays ainsi que les agents humanitaires qui sont opérationnels sur le terrain ?

Vous faites bien de mentionner les agents humanitaires. Vous savez combien l’année 2017 a été extrêmement violente, nous avons perdu un nombre incroyablement élevé de travailleurs humanitaires autant que de soldats de la paix. Nous sommes en train d’adapter notre posture et elle ne sera pas que militaire. Tous ces efforts que nous menons également sur le plan du dialogue visent les conditions  du retour de l’autorité de l’Etat. D’ailleurs, il faut se féliciter que partout où les préfets sont repartis ils ont été d’une assistance incroyable. Je viens à peine d’assister à une réunion avec mes collègues de Bouar où, là aussi, il y a un processus de paix remarquable mené autour du préfet de Bouar et qui a permis de faire avancer ce dialogue entre les éléments anti-balaka et les éléments des 3R [Retour, réclamation, réhabilitation].  Tout ceci pour mieux encadrer, par exemple, le phénomène de la transhumance. Tout cela nous fait penser que progressivement dans ce partenariat extrêmement stratégique et utile entre le gouvernement et la MINUSCA, nous gagnerons progressivement de l’espace et c’est en cela que nos efforts doivent être conjugués pour qu’encore une fois on fasse de 2018 une année de réussite dans tous ces domaines.

Revenons sur Paoua, est-ce-que cet exemple inaugure une collaboration plus étroite entre les casques bleus et les FACA ? 

Elle la renforce simplement. Je le disais tantôt, nous avons déjà commencé à travailler à Bambari l’année dernière. Nous sommes aussi ensemble à Obo où nous collaborons étroitement avec une unité de FACA nouvellement formée par l’EUTM [la Mission de formation de l’Union européenne].

C’est un processus qui va aller grandissant,  mais c’est la première fois que les FACA sont à côté des Casques bleus pour combattre les bandes armées. Est-ce que cela inaugure quelque chose qui va  désormais se produire partout où il y aura  de nouvelles crises ?

Ecoutez, idéalement c’est un processus qui commence. Le Conseil de sécurité nous a demandé d’étudier avec le gouvernement centrafricain les modalités de cet appui, justement à ce déploiement progressif des FACA. Nous le faisons également avec nos collègues de l’EUTM ; c’est un partenariat important. Ce qui est clair c’est qu’il n’y aura pas de vraie stratégie de sortie de crise si les forces centrafricaines ne sont elles-mêmes pas en capacité de reprendre leurs missions régaliennes. Je crois que cela est l’esprit vers lequel nous nous dirigeons, et nous espérons que tous les efforts qui sont en cours  vont contribuer à faire baisser le niveau de violence parce que c’est cela fondamentalement. L’idée n’est pas nécessairement d’aller faire la guerre, mais elle est de créer évidemment les conditions qui permettront à la force légitime d’être en capacité d’apporter un niveau accru de sécurité aux populations centrafricaines qui en ont tant besoin. 

Alors c’est comme si nous étions en train d’assister à un changement de rapport de force entre le gouvernement et la rébellion par la reconstruction de l'armée centrafricaine qui devra elle-même neutraliser les groupes armés en RCA selon ce que les gens pensent…

D’abord, je crois qu’il n’est pas juste de parler de rapport de force entre le gouvernement et les groupes armés parce que le gouvernement n’est pas en conflit ouvert avec des groupes armés sur quelques parties du territoire que ce soit, c’est d’abord un fait. Le fait que nous déplorons tous est l’absence de l’autorité de l’Etat dans plusieurs parties du pays, la nature n’aimant pas le vide on a assisté à cette présence de facto de plusieurs groupes armés dont l’influence malheureusement ne peut pas être qualifiée de positive. Autrement dit, avec le retour à l’ordre constitutionnel, la légitimité ne doit appartenir qu’à l’Etat.  Le monopole de la force doit appartenir à l’Etat et la MINUSCA qui est donc son partenaire stratégique souhaité par le Conseil de sécurité. Ce sont seulement ces deux entités qui devraient pouvoir exercer des fonctions régaliennes visant à sécuriser non seulement le territoire mais les populations centrafricaines, sécuriser la vie et la propriété privée des centrafricains. Mais l’Etat n’est pas encore en capacité totale ;  j’espère qu’avec tout ce processus de formations auxquelles nous assistons, nous aurons  une armée centrafricaine qui, bientôt,  redorera un peu son blason. Nous avons également le même effort qui est entrepris dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité avec les différents plans nationaux et stratégiques qui ont été adoptés, avec la formation  donnée aux gendarmes et aux policiers.  Il y a un effort qui est en cours et ce n’est pas facile. Nous sommes ici dans un travail de fond qui va prendre du temps mais cet effort est en cours et c’est notre espoir que bientôt la Centrafrique comme tous les autres Etats aura la possibilité d’exprimer l’autorité de l’Etat.

Embrasser le dialogue, mais entretemps l’armée est en train de reprendre du poil de la bête…

Ce qui est normal, et ce qui est intéressant dans cet exercice est que c’est une armée nouvelle qui est en train de se créer. C’est une armée qui va être une armée républicaine, une armée professionnelle, représentative de la diversité de la Centrafrique ; et c’est le souhait des autorités centrafricaines. J’ai moi-même assisté hier à une cérémonie émouvante au cours de laquelle des anciens combattants d’un certain nombre de groupes armés qui ont acceptés de rentrer dans le projet pilote DDR  étaient accueillis dans la famille de l’armée centrafricaine au cours d’une  cérémonie présidée par le Chef de l’Etat lui-même, et à laquelle participaient  nos amis et partenaires de l’EUTM qui ont accompagné la formation de ces nouvelles recrues. Ce sont des nouvelles recrues qui entrent sous le drapeau de la République. C’était une belle cérémonie extrêmement symbolique et qui montre que tous ces efforts concourent à reconstituer les institutions centrafricaines et à dire aux autres que la porte est ouverte. Il ne s’agit pas d’aller au combat contre des Centrafricains, c’est leur choix de regagner la République et donc ce choix est là pour tous les Centrafricains. Evidemment, certains vous opposeront des revendications mais toutes ces revendications  ont aujourd’hui une attention particulière de l’Union Africaine, et donc il n’y a pas de raison politique objective qui expliquerait qu'il y ait encore en Centrafrique des groupes armés, qu’il y ait des acteurs qui continuent de privilégier la violence armée comme moyen d’expression politique. 

Je dois le redire, nous sommes dans un long processus qui prendra du temps et  demande énormément de ressources, un investissement non pas seulement de l’Etat mais aussi de tous les partenaires centrafricains parce que nous avons tous intérêt à faire en sorte que la Centrafrique recouvre toute sa légitimité et toutes ses capacités le plus rapidement possible. Et cela se fera évidemment pas à pas et c’est un effort continu. Pendant ce temps, la MINUSCA adaptera ses stratégies en fonction des exigences du terrain. C’est une stratégie multiforme dans laquelle la Force n’est qu’un outil.  Nous sommes ici dans la recherche de solutions durables et nous le faisons à notre niveau sur un plan local. L’objectif donné par le Conseil de sécurité est de parvenir à une situation dans laquelle on aura réduit la présence et la menace que constituent les groupes armés en République centrafricaine.


Entretemps, le gouvernement a acheté des armes à la Russie… 

Je ne crois pas qu’elles ont été achetées, le gouvernement a reçu des armes de la Russie. Les informations dont je dispose ne parlent pas d’achat, et c’est l’information que nous avons et d’ailleurs qui a été soumise au Conseil de sécurité. Il faut bien dire que ce processus bilatéral entre la Centrafrique et la Russie a été avalisé par le Conseil de sécurité et tout est fait sur la base d’un accord du comité de sanctions du Conseil de sécurité sur la question des armes.

Est-ce que cette initiative, le fait de recevoir des armes de la Russie sur le plan bilatéral, ne gêne pas en quelque sorte les activités sécuritaires sur le plan multilatéral qui impliquent entre autres,  la MINUSCA et l’Union Africaine ?

Non, pas du tout. Nous sommes dans un dialogue ouvert avec le gouvernement centrafricain.

Est-ce que vous vous attendiez à cette initiative de la part des autorités centrafricaines ? 

Ce que tout le monde espérait, c’est que la Centrafrique d’une manière ou d’une autre et par les voies légales prescrites par le Conseil de sécurité acquiert des armes. Il n’est pas normal qu’un pays, une fois ses soldats formés, ne puisse pas  acquérir les outils de base pour lui permettre d’assumer ses responsabilités régaliennes.

Donc de ce point de vue,  il y a un consensus de la communauté internationale et c’est le Conseil de sécurité lui-même qui a donné son aval pour que cette transaction se produise.  

Un rapport paru récemment au siège des Nations Unies à New York revisite l’action des opérations de maintien de la paix dans le monde. Au regard de ce document et de l’évolution de la situation en RCA, est ce que la MINUSCA devrait se muer en force d’imposition de la paix dans ce pays ? 

Non, je crois qu’on est encore loin d’un tel scenario. Le constat qui est fait et qui est celui du Secrétaire général, c’est que l’exercice du maintien de la paix est devenu de plus en plus périlleux. En 2017, c’est au total 64 soldats de la paix qui ont perdu la vie de manière brutale suite à des attaques. Et dans le cas de la MINUSCA, nous avons regretté la perte de 14 de nos collègues. 

Donc, il n’est pas normal que les forces de maintien de la paix qui vont dans les pays qui ont connu les affres de la guerre et qui essaient de les assister à recoudre leur tissu social, à réconcilier les parties en conflit, à aider à redonner de l’espoir pour faire en sorte que la vie et les activités économiques reprennent se retrouvent dans des situations où ils deviennent des cibles. 

Mais puisque les soldats se retrouvent dans des situations où des fois ils sont des cibles, ne faut-il pas envisager que la  MINUSCA  se mue en une Force d’imposition de la paix ?                                                 

Non, il ne s’agit pas de se muer. Il s’agit pour nous de se rendre compte que la réalité a changé. La menace n’est plus la même ; notre drapeau bleu ne nous protège plus. Et donc à partir de ce moment, c’est une question sur laquelle le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, et toutes ses équipes au niveau du siège sont à pied d’œuvre. Le Secrétaire général a lui-même assez clairement évoqué des situations dans lesquelles l’imposition de la paix devrait être mise en œuvre par les Etats membres dans les situations spécifiques. Mais entre les deux évidemment, on ne parle plus du chapitre 6 mais plutôt du chapitre 7 qui est fait référence à l’usage de la force. Peut-être un chapitre 6 et demi dans lequel nous demanderons aux pays qui mettent à dispositions des forces de maintien de la paix des troupes préparées à la perspective d’utiliser la force. (…) Cette perspective est là, mais elle n’était pas envisagée pour que la MINUSCA devienne une force d’imposition de la paix. Elle était envisagée pour que nous ayons la robustesse nécessaire pour veiller à la protection des populations civiles. 

Ce qui est important désormais, c’est qu’il nous faut apprendre à nous protéger nous-mêmes pour qu’on puisse mieux remplir notre responsabilité primordiale qui est de protéger les populations civiles. Donc, ces questions-là sont en train d’être étudiées. Et nous n’attendons pas évidemment que ce débat soit tranché, il y a déjà une exigence, le Commandant de la Force le général  Balla Keita a été  extrêmement clair avec ses troupes pour dire que désormais une vigilance accrue est nécessaire. Nous ne pouvons plus accepter de continuer à perdre des soldats ; il faut que nos soldats soient prêts eux aussi. S’ils sont attaqués, ils seront prêts à répondre avec fermeté pour marquer le terrain et éviter que nous soyons des cibles faciles sans quoi l’accomplissement de notre propre mandat serait mis en danger.

M. le Représentant spécial, nous avons beaucoup parlé de la situation sécuritaire en Centrafrique. Sur le plan judiciaire, la session criminelle a démarré depuis le mois de janvier et les choses avancent dans le cadre de la mise en œuvre des activités de Cour pénale spéciale (CPS). Alors, quel est en général l’appui que la MINUSCA apporte à la justice centrafricaine ?

C’est un appui qui est multiforme. La crise a profondément affaibli les structures non pas seulement sécuritaire, mais aussi administrative, judiciaire, politique, économique. En somme, la crise a eu de profondes conséquences structurelles dans la société centrafricaine. Donc, sur le plan de la justice également, c’est un constat que nous faisons. Notre accompagnement aux autorités centrafricaines est fondamentalement technique, mais dans le cadre de la restauration de l’autorité de l’Etat nous avons reconstruit des tribunaux, des maisons d’arrêt. Nous accompagnons évidemment des magistrats dans leur remise à niveau sur le plan de la formation. Avec le Ministère de la justice, nous veillons qu’avec cette cartographie dont je faisais allusion on puisse assez rapidement identifier les lieux où il y a encore des besoins et où évidemment il faut renforcer cette présence.

 C’est un appui qui s’impose parce que l’engagement qui est le nôtre et qui vise évidemment à la consolidation de la paix, la restauration de l’autorité de l’Etat,  est fondamentalement portée par cette ambition qui est centrafricaine, de lutter contre l’impunité.

Pour terminer, un mot sur l’économie et le social ? A quoi devront s’attendre les Centrafricains de l’intervention de la MINUSCA cette année pour le relèvement économique et social de leur pays ? 

On le dit, mais il faut le rappeler qu’il n’y a pas de paix sans développement. Mais très certainement dans l’esprit des Centrafricains, c’est d’abord de dire qu’il n’y aura pas de développement sans paix, sans sécurité. Et donc, nous sommes là dans ce lien entre paix et sécurité qui est extrêmement pertinent et dans lequel nous inscrivons toute notre action. Voilà pourquoi la MINUSCA a été et continue d’être un acteur important dans l’élaboration et la mise en place du Plan national de Relèvement et de Consolidation de la Paix en RCA (RCPCA), un document stratégique important et que le Président de la République a signé en novembre 2016 à Bruxelles.

La MINUSCA est un partenaire essentiel de ce processus, et quand je dis la MINUSCA, je pense tout de suite à ma collègue Mme Najat Rochdi qui est au cœur de ce processus d’accompagnement du relèvement de la Centrafrique à travers la mise en œuvre du RCPCA. Nous sommes aujourd’hui heureux qu’il y ait désormais un Secrétaire général national permanent qui est notre partenaire privilégié aux côtés du gouvernement.

Notre espoir est que l’effort qui est fait sur le plan sécuritaire soit projeté sur le plan économique. Nous allons nous-même bientôt accompagner les hommes d’affaires centrafricains dans d’autres localités autre que Bangui où évidemment les conditions de sécurité ont été renforcées grâce à notre action conjointe MINUSCA/ Gouvernement. Je pense à Bambari mais nous pouvons penser à d’autres localités. Nous allons désormais être aussi les partenaires du secteur privé.

 

Avez-vous  un dernier mot à l’ endroit de la population centrafricaine ?

Mon dernier mot qui ne sera jamais le dernier parce que je reviendrai tout le temps là-dessus, c’est de dire qu’il faut rester confiant. Nous devons tous rester prisonniers de l’espérance. Il faut, pour juger aujourd’hui, penser à hier et qu’aujourd’hui nous aide à nous projeter vers le futur que nous espérons confiant, que nous espérons solidaire.  Je prends conscience qu’il y a eu des blessures extrêmement profondes, qu’il y a eu une fracture sociétale extrêmement importante, mais  il n’y a pas de défis suffisamment grands qui ne puissent pas être relevés par une communauté nationale déterminée. 

Je crois énormément au leadership politique, au leadership associatif, à la capacité  des hommes et des femmes de foi qui ont joué un rôle extrêmement important dans le passé dans ce pays.

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