Déclaration du Sous-SG aux droits de l’homme à l’occasion du rapport Mapping

30 mai 2017

Déclaration du Sous-SG aux droits de l’homme à l’occasion du rapport Mapping

Excellences, Chers Collègues,

C’est avec un grand honneur que j’arrive du Siège des Nations Unies à New York afin d’assister au lancement du rapport Mapping. Le rapport documente les violations graves commises dans ce pays entre 2003 et 2015, mandaté par la Résolution 2301 du Conseil de Sécurité en juillet 2016.

Ce document vient inscrire dans l’histoire la mémoire de nombreuses victimes, pour la plupart civiles, dans le but que celles-ci ne restent plus dans l’ombre des atrocités commises.

Au lendemain de la Journée internationale des Casques bleus célébrée le 29 mai, je voudrais saluer le travail des soldats du maintien de la paix, qui contribuent au quotidien à la protection des civils et au rétablissement de la sécurité en République centrafricaine. Il faut noter le rôle important de ces soldats, mais également des forces internationales dans le cadre d’opérations militaires conjointes en République centrafricaine. Ces contributions à la réduction de la violence causée par les groupes armés ont parfois été menées au prix de leur vie.

Je souhaite souligner le rôle majeur de l’Union africaine et en particulier des « Pays frères » de la République centrafricaine.

En 2015, le Gouvernement de transition de la République centrafricaine a créé la Cour pénale spéciale pour enquêter et poursuivre les crimes relevant du droit international. En tant que juridiction nationale, mais composée d'un personnel national et international, cette Cour a été conçue pour contribuer au rétablissement de l’Etat de droit et à l'avancement des processus de réconciliation et de consolidation de la paix en mettant fin au cycle de l'impunité.

Depuis ces derniers mois, la recrudescence des attaques des groupes armés contre la population civile dans plusieurs régions de la République Centrafricaine inquiète et remet en cause le calme relatif durement gagné à Bangui et dans certaines autres villes. Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces attaques visant des civils sans défense.

Permettez-moi de souligner les objectifs du Projet Mapping :

Tout d’abord le Projet Mapping a permis de documenter 13 ans de conflits successifs en République centrafricaine. Documenter les violations passées s’inscrit dans la mise en œuvre d’une stratégie de justice transitionnelle, au nom du droit à la vérité. Ce rapport pourra servir de base aux organes existants, telles que les juridictions nationales et la Cour pénale spéciale, en ce qu’il relate l’historique des événements passés et constitue un commencement de preuve des violations commises. Nous encourageons les centres de recherches et universitaires ainsi que la société civile à compléter et approfondir ces efforts préliminaires de documentation.

Le rapport identifie également les approches existantes dans le domaine de la justice transitionnelle et recommande des mécanismes additionnels. A cet égard, je salue les courageuses initiatives de réconciliation menées par des comités de paix et des leaders religieux.

La justice transitionnelle se base sur les droits fondamentaux reconnus aux victimes: le droit à la justice, le droit à la vérité, le droit à la réparation et le droit que de telles violations ne se répètent pas dans le futur.

En tant qu’un des piliers de la justice transitionnelle, les poursuites judiciaires devront jouer un rôle essentiel afin d’établir les responsabilités des auteurs de violations et octroyer une réparation aux victimes. Nous savons que ce rapport inquiète déjà certains auteurs des violations parce qu’il envoie un message clair qu’ils n’échapperont pas à la justice. Le rapport Mapping contribuera au travail de la Cour pénale spéciale dont le mandat couvre les violences commises depuis 2003 et jusqu’à ce jour. En effet, tous les tribunaux qui ont eu à connaitre des crimes internationaux en ex-Yougoslavie, au Rwanda et en Sierra Léone, ont dû procéder à une analyse du conflit et une documentation des crimes. C’est cette analyse préliminaire que le rapport Mapping nous livre aujourd’hui.

L’objectif du Projet Mapping est donc de matérialiser à la fois les engagements des autorités centrafricaines ainsi que les promesses de soutien de la Communauté Internationale à lutter contre l’impunité et contribuer à la prévention des conflits.

Aujourd’hui, cette lutte est devenue plus urgente que jamais. Pendant mon séjour ici, j'ai eu de nombreux échanges avec des Centrafricains venant de diverses catégories sociales et religieuses. Tous m'ont exprimé des souhaits communs: que la justice soit faite; qu’une amnistie n’est pas acceptable ; que les arrestations des criminels soit effectuées; qu'un terme à l'impunité devienne une réalité; et qu'une paix durable s'installe dans ce beau pays. Et tous m'ont partagé leur profonde frustration, colère et fatigue liées à la lenteur des progrès dans tous ces domaines.

Un de mes interlocuteurs, exaspéré, est d’ailleurs allé jusqu’à me poser la question si les Centrafricains avaient toujours droit à la vie?

Le rapport que livre les Nations Unies aujourd'hui est un outil, un appui pour tout Centrafricain, tout partenaire de la République centrafricaine, et tout pays frère de la Centrafrique, qui lutte contre l'impunité et en faveur de la justice et la réconciliation. Il s’agit d’un message, un rappel que la justice viendra, et qu’elle viendra pour tout le monde. Le peuple a attendu suffisamment longtemps.

Les 13 dernières années documentées par ce rapport ont été marquées par des conflits d’une haute intensité, affectant particulièrement les civils et parmi eux les femmes et les enfants. Il relate de nombreux incidents, dont des exécutions extrajudiciaires ; des cas de torture et traitement inhumains ; des viols parfois collectifs ; des cas de villages entiers brûlés; le recrutement de milliers d'enfants par des groupes armés; ou encore des attaques contre des acteurs humanitaires et des casques bleus. Beaucoup de ces violations pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Aujourd’hui et dans le cadre du séminaire qui va suivre, l’Etat centrafricain et les Nations Unies tiennent à rappeler que la protection des populations civiles doit rester le moteur de chacune de nos actions en faveur d’un avenir pacifique et prospère en République centrafricaine. Le séminaire va permettre de présenter le contenu du rapport, sa méthodologie et ses recommandations. Mais ce rapport n’est pas une fin en soi. C’est un premier pas qui doit être suivi par des actes concrets, tels que l'adoption d'une stratégie nationale de protection des victimes et des témoins.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein et moi-même pensons surtout aux millions de victimes des violations passées et à celles qui continuent d’en subir dans le pays. Nous encourageons les autorités centrafricaines et ses partenaires, y compris les Nations Unies à répondre aux aspirations de justice et de réconciliation, qui ont été si clairement exprimées et longuement attendues par la population centrafricaine.

Monsieur le Ministre, Excellences, Je vous remercie. 

 

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