Evaluer le niveau des Droits de l’Homme dans l’Ouham Pendé

23 avr 2021

Evaluer le niveau des Droits de l’Homme dans l’Ouham Pendé

Par Noam Assouline

A Bozoum, chef-lieu de la préfecture de Ouham-Pendé, la vie reprend peu à peu, après plusieurs mois marqués par l’insécurité et des violences qui ont rendu quasi-impossible les activités de terrain du personnel civil de la MINUSCA et des humanitaires. Le bureau de la MINUSCA de Paoua, à la suite de multiples allégations de violations des droits de l’homme, a effectué une mission d’intervention civilo-militaire afin de documenter les faits. La mission conjointe a également permis, en amont, de sensibiliser des éléments des Forces armées centrafricaines (FACA) et les Forces de sécurité intérieure (FSI), ainsi que la société civile de la localité, sur les droits de l’homme.


Lors des échanges du 27 mars 2021, les FACA et FSI ont mis de côté leurs armes, à la faveur des casques bleus camerounais qui veillent. L’Etat d’urgence est toujours en vigueur, il faut tout faire pour éviter un incident. Le Commandant du 5e groupement de Gendarmerie, le Lieutenant Yan Tchikaya a tenu à être présent pour suivre les débats, mais aussi participer. C’est un homme d’expérience, ses questions sont tranchantes, mais permettent d’élever le niveau des échanges avec les représentants de la MINUSCA. Pour ce dernier, « c’est une opportunité de travailler avec nos partenaires, mais aussi de pouvoir poser de vraies questions, directement ». Ces ateliers, qui prennent souvent la forme d’un débat, permettent de faire comprendre ce qu’est une violation des droits de l’homme la question de la protection des femmes et des enfants. C’est aussi l’occasion pour la MINUSCA de présenter son mandat.

L’on note la présence d’une femme dans l’équipe. Elle s’appelle Marie-Reine ; elle est officier de protection de la femme et spécialiste des violences sexuelles liées aux conflits. Pour elle, « Les femmes et les filles sont les plus vulnérables. Nous procédons au monitoring, première étape d’une enquête, puis des poursuites qui pourraient être engagées contre les auteurs de ces crimes ». Cette dernière ne manque pas de rappeler les sept types de violences sexuelles : les viols, les agressions sexuelles, l’esclavage sexuel, la stérilisation, le mariage et les grossesses forcées, soulignant au passage que son statut et son empathie lui donnent la possibilité de s’adresser aux victimes comme aucun autre membre de l’équipe.


La difficile condition de vie des personnes déplacées à Bozoum


A l’hôpital de la ville, le ciel est lourd, les patients et leurs familles attendent sur le sol encore humide, conséquence des pluies diluviennes de la veille. Géré un laps temps par une organisation internationale, l’établissement peine à fonctionner à ce jour. Une bénévole nous ouvre le registre des violences basées sur le genre, il y en a une quarantaine et ce n’est que le sommet de l’iceberg. « Ces crimes, commis le plus souvent au sein de la communauté, sont soit réglés entre famille pour ne pas salir l’honneur, soit tus, le poids de la honte sur les victimes elles-mêmes les poussent à garder le silence », nous explique-t-elle.



La concession abritant la paroisse de Bozoum s’étend sur toute une colline qui surplombe la ville. Elle est composée d’un complexe scolaire, d’un orphelinat et d’une église et est dirigée par le Père Marco, d’origine italienne ; il porte une barbe grisonnante et a un regard bienveillant. Cela fait onze années qu’il est en République Centrafricaine (RCA) d’où sa maîtrise de la langue Sango. Des centaines de villageois ayant fui les menaces du groupe armé des « 3R » ont trouvé refuge ici. Le prélat ne s’est posé aucune question quand il fallait accueillir tout ce monde. « En tant qu’église, nous accueillons les déplacés sans distinctions ethniques et religieuses, et selon nos capacités », confie l’homme de Dieu. « Je demande aux autorités de ramener la paix afin que ces habitants puissent regagner leurs villages. J’appelle aussi les organisations humanitaires à venir aider ces gens qui souffrent, ces femmes, ces enfants, loin de leurs champs et ne pouvant subvenir à leurs besoins », plaide-t-il.

Les déplacés sont logés dans une salle de l’école fondamentale où des nattes et quelques baluchons jonchent le sol. C’est l’essentiel des effets qu’ils ont pu prendre en fuyant. Parmi eux, l’on compte un grand nombre d’enfants et des personnes âgées.

En l’espace de quelques jours, ce sont 593 déplacés, soient environ 137 familles, qui se sont retrouvés à Bozoum.

 

 

POC