Les populations de la Ouaka invitées à dénoncer la présence d’éléments armés

7 mar 2017

Les populations de la Ouaka invitées à dénoncer la présence d’éléments armés

Après avoir écouté et échangé avec les autorités locales et les responsables de la MINUSCA à Bambari pendant plus de deux heures, Paul prend une décision : « Avec les explications qu’on vient de nous donner, je suis prêt à conduire la Force et la Police de la MINUSCA vers les tentes où vivent des gens qui possèdent des armes ». Aline voudrait faire de même, surtout « lorsqu’elle voit une maison naguère inhabitée subitement occupée par des inconnus » ; mais elle ne cache pas sa crainte de devoir parler…

Et c’est précisément contre la peur et pour inviter les populations à l’aider dans la lutte qu’elle mène depuis quelques semaines à Bambari et ses environs que la MINUSCA multiplie les rencontres avec les communautés locales. Les sessions ont commencé la dernière semaine de février. Ce matin, ils sont près de 40 hommes et femmes à  répondre à l’invitation de la Mission, la plupart étant des leaders communautaires, religieux, chefs de sites de personnes déplacées et représentants de groupements de la rive droite de la Ouaka, le cours d’eau qui donne le nom à la préfecture et traverse la deuxième ville de la République centrafricaine.

Le chef de bureau de la MINUSCA à Bambari, Alain Sitchet, explique l’intervention sécuritaire menée par la Mission pour laquelle il a fallu déployer des militaires du Gabon, du Portugal, du Bangladesh et des policiers de la Mauritanie et de la République du Congo, venus renforcer les effectifs de soldats de la paix mauritaniens et burundais. « Nous voulons éviter la guerre à Bambari. Nous ne laisserons pas les groupes armés contrôler Bambari et prendre les populations en otage. Les groupes armés ne défendent que leurs propres intérêts », lance-t-il. Une voix parmi la foule fait part de ses doutes, faisant valoir que même après le départ des leaders, la ville de Bambari n’est pas pour autant dépourvue d’armes. Et de demander « Quelle est la stratégie de la MINUSCA ? ». D’autres participants veulent avoir des informations sur la sécurité dans les camps de déplacés et sur les exactions commises ailleurs par les éléments armés qui ont quitté la ville…

« Nous avons fait face à des situations identiques à Bria, à Bangui, et nous sommes là pour vous aider. N’ayez pas peur », répond le chef du détachement de l’unité de police mobile congolaise qui se veut rassurant, tout en demandant de la patience. Le chef du poste de commandement avancé de la Force explique, pour sa part, les mesures prises, notamment un couvre-feu dans la ville de 19h00 à 6h00, annonce le lancement d’un numéro de téléphone gratuit pour permettre d’alerter en cas de besoin les Casques bleus et appelle la population à avoir confiance et à coopérer avec la MINUSCA. Le même message est réitéré par le commandant du bataillon portugais : « nous sommes là pour vous protéger mais pour réussir, nous avons besoin de vous ».

Les autorités locales ne sont pas en reste, à l’image du secrétaire-général de la préfecture de la Ouaka qui fait valoir : « la population ne doit pas fermer les yeux face aux projets de ces malfaiteurs de groupes armés. La sécurité, c’est l’affaire de chacun. Chacun doit veiller à la paix dans sa localité». La réunion se termine au bout de deux heures et quinze minutes. Les participants, eux, semblent satisfaits des explications reçues de la Mission onusienne et des  autorités locales.

Au même moment, à PK0, sur la rive gauche, on s’active avant le départ du convoi hebdomadaire vers Bangui. Plusieurs dizaines de têtes de bœufs sont entassés dans les camions, des passagers sont assis sur les cabines des véhicules… Le convoi partira une heure plus tard, escorté par des Casques bleus jusqu’à la capitale. Dans d’autres localités, le scénario est le même ; les populations vaquent à leurs occupations, les marchés grouillent de monde tandis qu’une trentaine de jeunes de différents quartiers nettoient la ville, à l’initiative d’une ONG. Depuis le départ des chefs du Mouvement pour l’Unité et la Paix en Centrafrique (UPC) et des anti-balakas grâce à la MINUSCA, un « vent nouveau souffle sur la ville », selon un responsable local. Disparus, les hommes en armes et en uniforme dans la ville…  

Postes fixes, patrouilles et opérations

Le début des affrontements entre l’UPC et la coalition du Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC), en novembre 2016 à Bria, et la menace de la coalition d’attaquer Bambari a poussé la MINUSCA à revoir sa stratégie. Certains contingents occupent des positions fixes hors de la ville, d’autres sont dédiés à la réaction rapide. Les Casques bleus ont aussi érigé des postes fixes à des endroits stratégiques, comme des croisements d’axes routiers vers Bakala et Bangui. Ici, des patrouilles pédestres sont menées régulièrement pour prévenir les infiltrations et pour rassurer les populations environnantes.  

Certains soldats de la paix occupent des postes avancés conformément aux mesures prises par la Mission d’empêcher la guerre dans la ville. D’autres mènent des missions d’envergure, à l’image de la frappe aérienne contre une quarantaine d’hommes lourdement armés qui tentaient de s’infiltrer dans la ville, voire la sécurisation de l’exfiltration de déplacés retenus contre leur gré par la coalition dans la ville d’Ippy.

Les pick-up et les véhicules blindés de la MINUSCA peuplent le décor de la ville. Ici, institutions et points stratégiques sont aussi sécurisés par les Casques bleus. Comme la Cour d’appel, l’hôpital ou la Gendarmerie où il ne reste plus que deux gendarmes centrafricains, depuis l’assassinat, il y a quelques mois, de six de leurs collègues par des hommes armés. L’adjudant-chef et responsable des lieux salue le déploiement prochain de policiers et gendarmes centrafricains mais propose que les autres acteurs de la chaine pénale le soient également. « Voyez là-bas, la maison d’arrêt est vide », déplore-t-il.

De nouveaux déplacés dans les sites

Les affrontements entre les deux groupes armés de l’ex-Seleka ont entrainé un drame humanitaire entre la Haute-Kotto et la Ouaka, avec plusieurs morts et plus de 20.000 déplaces, selon les chiffres des agences des Nations Unies. Des hommes, des femmes et des enfants ont fui Bakala, Ippy, Maloum et d’autres localités, et plusieurs d’entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les camps de déplacés de Bambari comme ceux de « Sangaris » et « Alternatif ». « La population du site avait chuté de 15.000 à 9.000 personnes, mais risque d’augmenter à nouveau car nous avons enregistré l’arrivée de déplacés des zones touchées par les combats. Nous n’avons pas encore le chiffre exact car le recensement est en cours », explique Joseph, chef du site « Sangaris ».

Joseph affirme que la présence des groupes armés a perturbé l’avenir de ses enfants. Alors, ce membre d’un des réseaux d’alerte précoce mis en place par la MINUSCA a décidé de sensibiliser les jeunes à ne pas se laisser enrôler par ces mouvements. Quant à Jean Gilbert, chef d’un des huit blocs du site, il attend surtout que les groupes armés participent au Désarmement, démobilisation, réintégration, rapatriement (DDRR) : « C’est à ce moment que nous regagnerons nos maisons et abandonnerons les sites ».