Sensibilisation et déminage : Un combat pour la sécurité des communautés

17 avr 2025

Sensibilisation et déminage : Un combat pour la sécurité des communautés

Les engins explosifs et les restes de guerre représentent une menace constante pour les populations civiles, en particulier dans les zones de conflits armés. Ces engins continuent de faire des victimes bien après la fin des combats, entravant la libre circulation, limitant l'accès aux zones de culture, aux écoles et aux services de santé, etc. Ces dispositifs, souvent enfouis sous terre ou oubliés, sont dangereux pour les populations en général, mais particulièrement pour les enfants, les agriculteurs et les déplacés qui tentent de regagner leurs localités. En plus des pertes en vies humaines, ils provoquent des traumatismes physiques et psychologiques durables. La présence de ces engins rend impératif le déminage et la sensibilisation des communautés exposées. A cet effet, la MINUSCA mène régulièrement des campagnes de sensibilisation et procède également au déminage de ces dispositifs, tout en assurant la formation des Forces de défense et de sécurité centrafricaines pour la neutralisation et la destruction de ces engins. À ce jour, plus de deux cents éléments de ces Forces ont été formés par le Service de lutte antimines des Nations Unies. Malgré ces efforts, plusieurs localités de la République centrafricaine restent dangereuses pour les communautés, du fait de la présence de mines antipersonnel et d’engins explosifs improvisés. Le 11 février 2023, la MINUSCA a porté secours à une victime, le Père Norberto Potsi, prêtre en service à Bozoum (Lim-Pende), grièvement blessé après que son véhicule a heurté une mine la veille, lui coûtant un pied. Il raconte les circonstances de cet accident à Safiatou Doumbia, Chargée de communication à la MINUSCA à Paoua.

Q : Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment cet accident s’est produit ?
R : C’était le 10 février 2023. J’étais parti pour quelques jours de travaux de réparation dans des écoles et également dire des messes. J’avais transporté des ouvriers avec moi dans mon véhicule et nous étions partis très contents ce jour-là. J’avais pris l’axe Bozoum-Bocaranga. Après 20 km de trajet, je rencontre un de mes ouvriers qui revenait d’une place mortuaire. Il me prévient qu’il a appris qu’il y a des mines qui ont été plantées d’ici jusqu’aux villages Manga et Bogali. Il a ajouté que la zone exacte des mines commence à 1 mètre de la montagne. Je tenais à aller effectuer ces travaux et je l’ai même invité à nous rejoindre dans la voiture. Nous avons continué ensemble jusqu’à un village au pied de la montagne. Je me suis renseigné dans ce village et ils ont confirmé qu’il y avait bien des mines antipersonnel sous terre dans les parages. J’ai donc décidé d’opérer un demi-tour. Et sur le chemin du retour, au moment où je réfléchissais à tous les avertissements qui m’avaient été donnés sur comment éviter les points de la route qui sont certainement minés, subitement un noir total. J’avais perdu connaissance parce qu’on avait roulé sur une mine et cela avait explosé.

 

Nous étions six dans la voiture. Il y avait trois maçons, un animateur d’école, un menuisier, un autre Frère français du nom de Père Carl.

 

Q : Combien de blessés y avait-il ?

R : Tout le monde avait été projeté hors de la voiture. Mais j’ai été le seul blessé grave. Le cas le plus grave après moi était le menuisier. Il a eu une fracture de l’omoplate. Le Père français a temporairement perdu l’audition. Les autres avaient juste des égratignures. J’ai remercié le Seigneur d’avoir été le seul gravement blessé.

 

Q : Dans l’immédiat après cet accident, qui vous a porté secours ?

R : Les villageois… je les ai entendus me dire « Père Norberto, on te met sur la moto et on t’amène à l’hôpital ». La moto en question était conduite par le taximan de mon chauffeur. Ce dernier passait comme par hasard dans le village où l’accident s’est produit. Ils m’ont donc mis entre deux personnes sur la moto pour me conduire à l’hôpital de Bozoum. Je ne me suis ranimé que le soir. L’hôpital avait bien pris soin de moi, on m’avait bien nettoyé et posé un garrot au niveau de la cuisse pour arrêter le sang parce que j’avais une fracture ouverte sur la jambe. Il n’y avait qu’une seule poche de sang disponible dans l’hôpital et c’était comme par hasard mon groupe sanguin. On m’a donc transfusé. Je me rappelle que le lendemain, ils m’ont sorti de ma chambre pour m’amener dans l’hélicoptère de la MINUSCA et m’envoyer à Bangui. Arrivé à Bangui, mes Frères se demandaient s’ils devaient m’envoyer à l’hôpital principal de Bangui ou celui de la MINUSCA. Et nous avions préféré la MINUSCA parce qu’ils ont toujours de bons docteurs, en plus leurs équipements sont plus appropriés pour les blessures de guerre. Ils m’ont fait une radiographie de la hanche jusqu’aux pieds. Quand ils ont vu mon état, en moins de 24 heures, du soir au lendemain matin, la MINUSCA m’avait transféré en Ouganda parce qu’il y a là-bas un hôpital spécialisé pour le genre de blessure que j’avais, surtout les amputations.

 

Q : Au-delà du physique, avez-vous été atteint sur le plan psychologique ?

R : Non, j’ai toujours été tranquille. Je n’ai de haine contre personne. Ça s’est produit et c’est tout. En plus, je n’ai pas trop eu mal parce que je perdais toujours connaissance. Je n’ai senti la douleur qu’après les opérations.

 

Q : Avez-vous peur de retourner sur le terrain ?

R : Peur, non ; mais je me suis dit que la mine m’a pris un pied, je n’ai pas envie de perdre l’autre.

 

Q : Auriez-vous un conseil à donner aux populations concernant les mines ?
R : Je dirai plutôt aux groupes armés de cesser de planter ces engins explosifs parce que s’ils pensent se protéger contre les Forces armées centrafricaines, ce sont plutôt des civils qu’ils tuent.