Déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en République Centrafricaine au Conseil de Sécurité des Nations Unies et Cheffe de la MINUSCA, Valentine Rugwabiza - 26 octobre 2023

27 oct 2023

Déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en République Centrafricaine au Conseil de Sécurité des Nations Unies et Cheffe de la MINUSCA, Valentine Rugwabiza - 26 octobre 2023

S.E. l'Ambassadeur Sérgio França Danese, Président du Conseil de Sécurité, Distingués membres du Conseil,

S.E. Mme Sylvie Valérie Baipo-Temon, ministre des Affaires Etrangères et des Centrafricains de l'Etranger de la République Centrafricaine,

M. le Président,

  1. En préambule, je souhaite féliciter le Brésil pour sa présidence du Conseil de Sécurité pour le mois d'octobre et vous remercier pour l’organisation de la présente session, qui revêt une importance particulière alors que le vote sur le renouvellement du mandat de la MINUSCA est prévu pour le mois prochain. Je suis ainsi honorée de me joindre à vous aujourd'hui en amont de cette échéance, pour vous présenter le dernier rapport du Secrétaire Général sur la République Centrafricaine, et pour vous informer des récents développements et des réalisations importantes de la Mission dans l'accomplissement de son mandat.

Excellences,

  1. Je voudrais réserver mes premières remarques aux progrès accomplis par le Gouvernement pour faire avancer le processus de paix, nonobstant la persistance de défis politiques, sécuritaires et socio-économiques, qui requièrent l’appui renforcé et concerté du Conseil et de la communauté internationale.
  2. Tout d'abord, le processus politique et de paix. Comme nous le savons, les préparatifs et la campagne du référendum, qui s’est tenu le 31 juillet, ont occupé une place centrale dans l'agenda politique national au cours de la période couverte par ce rapport. Néanmoins, le Gouvernement, avec l’appui de la MINUSCA, a poursuivi ses efforts pour décentraliser le processus politique et de paix. Dans le cadre de ces efforts, j’ai eu le privilège d’accompagner le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et les partenaires de développement, dans certaines préfectures du nord-est et de l’ouest du pays, où la situation sécuritaire avait fait l’objet d’importants efforts de stabilisation avec le plein appui de la MINUSCA. Il est à noter que certaines des localités visitées recevaient, pour la première fois, la visite d’un Premier Ministre, comme dans la préfecture de la Vakaga. La MINUSCA continuera d’accompagner de telles initiatives, afin de soutenir le
 

Gouvernement dans ses efforts d’extension de la présence de l'État à travers le pays. Un engagement renforcé des partenaires financiers internationaux et des acteurs du développement demeure, à ce titre, central pour consolider les gains de sécurité chèrement obtenus, que ce soit par des investissements ou des programmes de stabilisation destinés à fournir des services de base, ainsi que des moyens de subsistance socio-économiques durables aux populations. Je me félicite également de la réactivation, effective, et de l'opérationnalisation de nombreux mécanismes préfectoraux de mise en œuvre de l'Accord politique de 2019, qui restent essentiels pour promouvoir le dialogue inclusif et la réconciliation au niveau local, en particulier dans les zones historiquement marginalisées,  en  grande  partie  en  raison  de  difficultés  d'accès.

 

Distingués membres du Conseil,

  1. La 7e République de la RCA et sa nouvelle Constitution, officiellement promulguée le 30 août dernier, marque une nouvelle étape pour le pays. Je me félicite des déclarations faites par le Président Touadera le 31 août, ainsi qu’à l’occasion de la 78e session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, par lesquelles il a réaffirmé son engagement à accélérer la mise en œuvre du processus politique et de paix. L’appropriation nationale de ce processus fut une nouvelle fois illustrée par la convocation, ce lundi à Bangui, de la deuxième revue stratégique du processus de paix, en présence des garants et facilitateurs de l'Accord politique et de la Feuille de route conjointe, ainsi que des ministres des affaires étrangères de l'Angola et du Rwanda. Convoquée pour effectuer une évaluation du processus de paix, la réunion a relevé la dissolution de 9 groupes armés signataires de l'APPR-RCA, ou de leurs ailes, ainsi que les progrès accomplis au regard du DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), de la réforme du secteur de la sécurité, de la politique nationale de gestion des zones frontalières, désormais adoptée, et de la restauration de l'autorité de l'État. Il est essentiel de capitaliser sur ce momentum pour continuer à renforcer la confiance entre toutes les parties prenantes au processus politique de paix, par le biais d'actions et d’initiatives tangibles. À cet égard, nous nous félicitons de l'annonce du Gouvernement Centrafricain à propos d’une stratégie d’engagement des chefs des groupes armés, en vue de leur retour dans le processus politique.

M. le Président,

  1. Les préparatifs des élections locales ont repris, et le premier tour du scrutin est prévu pour octobre 2024. Ce nouveau chronogramme fournit un cadre pour accélérer la mobilisation des ressources et pour réviser le code électoral, afin d'assurer sa conformité avec la nouvelle Constitution. Il est également essentiel que l'engagement des autorités centrafricaines en faveur de solutions politiques se traduise par des efforts visant à préserver l'espace démocratique et à reprendre
 

le dialogue avec l'opposition, dans le but de promouvoir des élections locales inclusives et crédibles.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

  1. La situation sécuritaire reste volatile dans certaines régions en dehors de Bangui, notamment dans les zones frontalières. Dans ce contexte et conformément à sa nouvelle stratégie politique, la MINUSCA est intervenue en renforçant son espace opérationnel dans les préfectures de la Haute-Kotto et de la Vakaga, avec pour effet une meilleure protection des civils et une dissuasion plus efficace des menaces posées par les groupes armés. Dans le Haut-Mbomou, la Mission a facilité pour la première fois un déploiement conjoint avec les forces de défense centrafricaines, dans une zone où elles étaient totalement absentes jusqu’alors. Cette initiative fut lancée en réponse à l'intensification des affrontements entre l'Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC) et la nouvelle milice Azande Ani Kpi Gbe, avec des résultats tangibles et quasiment immédiats. Début octobre en effet, la MINUSCA a été contacté par cette milice, qui l’informait de sa décision de déclarer un cessez-le-feu et de rejoindre le processus de DDR, et favoriser la cohésion sociale. Ces résultats illustrent une nouvelle fois l'efficacité d’efforts concertés, même s’il reste beaucoup à faire, y compris au regard du renforcement des capacités des institutions nationales de sécurité et de défense.
  2. Ces derniers mois, nous avons également assisté à un événement majeur : la facilitation du rapatriement volontaire d'ex-combattants de l'Armée de Résistance du Seigneur (LRA). Ces derniers étaient présents dans la préfecture du Haut-Mbomou depuis plus de 15 ans et représentaient une menace réelle et constante pour les civils. En outre, je salue la signature d’un accord de coopération frontalière entre la RCA et le Sud-Soudan le 1er septembre, qui devrait contribuer à renforcer le développement de réponses coordonnées aux menaces transfrontalières.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

  1. L'augmentation de cas enregistrés de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire reste préoccupante. L’expansion de l’espace opérationnel de la Mission et ses efforts de stabilisation ont permis à la MINUSCA d'accéder à des zones reculées du pays et d’y mener des enquêtes sur les droits de l'homme. Celles-ci ont mis entre autres lumière des violations non encore reportées, et commises avant 2021/2022.
  2. Je salue les efforts du Gouvernement visant à accroitre sa réponse aux violations des droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité, comme l’illustre l’adoption de la Politique nationale des droits de l’homme en août dernier, dont
 

l’élaboration a bénéficié des contributions de la société civile. Par ailleurs, nous encourageons le gouvernement à plus d’efforts pour soutenir le système judiciaire national, l'administration pénitentiaire, et la pleine application de la loi, afin notamment que toute personne commettant des crimes odieux contre des civils, ou des soldats de la paix, soit dûment jugés et que justice soit rendue pour ces crimes.

  1. Sur le plan socio-économique, la période qui vient de s’achever fût malheureusement dominée par des défis persistants, aggravés par une augmentation des besoins humanitaires, due à l'afflux de réfugiés en provenance du Tchad et du Soudan. Je salue la solidarité exprimée à l’égard des réfugiés par le Gouvernement centrafricain et les populations des préfectures de la Vakaga et de la Lim-Pende, malgré leurs propre défis et situation critique d’insécurité alimentaire exacerbée par la fermeture de la frontière avec le Soudan, source traditionnelle de produits alimentaires de base. Je salue également la politique gouvernementale d’accueil à l’égard des réfugiés et des retournés centrafricains, et je remercie les donateurs pour leur généreux soutien.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

  1. La Mission a poursuivi la reconfiguration de son dispositif de sécurité, en suivant un processus de rationalisation séquencée qui vise à optimaliser l’efficience de nos composantes en uniformes et civils, notamment au regard de notre mandat de protection des civils, de sécurisation de l’assistance humanitaire, de soutien à la médiation des conflits locaux et réconciliation ainsi qu’à la facilitation de la mise en œuvre décentralisée du processus politique de paix. Pour une performance et une intégration renforcée, nous allons continuer à rationaliser le nombre des bases opérationnelles temporaires et à améliorer les conditions de vie et de travail du personnel civil et en uniforme, en donnant priorité aux conditions de travail du personnel déployé hors de Bangui.
  2. Afin de préserver les valeurs des Nations Unies et de maintenir la confiance de la population partout où nous opérons, la MINUSCA continue à renforcer la prévention et la gestion des risques d'exploitation et abus sexuels, tout en travaillant avec les agences de l’équipe pays des nations-unies pour assister les victimes identifiées. En définitive, la surveillance accrue exercée par la MINUSCA et les réseaux communautaires locaux, soutenus par la Mission, ont permis de réduire le nombre des nouveaux cas signalés en 2023. Nous multiplierons et maintiendrons ces efforts multidimensionnels, en conformité absolue avec la politique de tolérance zéro du Secrétaire Général.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

 
  1. Je voudrais saisir cette occasion pour attirer votre attention sur les lacunes critiques touchant les capacités aériennes, les capacités de transport terrestre et la chaîne d'approvisionnement de la Mission, qui furent confirmées à l’occasion de l'évaluation globale de nos capacités de transport logistique, conduite en septembre avec le soutien du siège. Les infrastructures limitées, l’absence ou inutilisation de la majorité des pistes hors de Bangui entravent notre mobilité. Cette situation affecte également le bien-être, la sécurité et la sûreté de nos soldats de la paix, ainsi que notre réponse opérationnelle. Ainsi, il faut plusieurs semaines à un convoi pour se rendre de Bangui à Birao, dans le nord-est, ou à Obo, dans le sud-est. La saison des pluies, qui dure sept mois, rend les pistes impraticables. Par ailleurs, la Mission ne dispose pas de couverture opérationnelle suffisante pour l'évacuation des blessés sur l'ensemble du territoire. Nous planifions de commencer à mettre en œuvre certaines des recommandations émises à l’issue de l’évaluation globale de nos capacités logistiques. C’est pourquoi nous sollicitons, dès à présent, votre soutien et celui de tous les États membres, en vue de la mise œuvre progressive de l’ensemble des mesures recommandées. Nous encourageons donc toutes les parties prenantes, y compris les pays contributeurs et les partenaires de la République Centrafricaine, à soutenir l'amélioration de la mobilité et accès par voie terrestre en RCA. Ce soutien devrait contribuer à améliorer les capacités critiques de la MINUSCA en matière d'aviation, tout en permettant de réhabiliter certaines infrastructures de transport terrestre, afin de maximiser l'impact des opérations de la MINUSCA. En parallèle, un investissement continu des partenaires dans le réseau et les infrastructures du pays demeure central pour le développement de la RCA, entravée par les conflits et la résurgence régulière de la violence. De tel investissements apporteront une contribution à la consolidation de la paix et stabilité durables en RCA.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

  1. La mise en œuvre de l'Accord Politique et de Paix demeure la solution viable et idoine pour le retour à une paix et à un développement durable en République centrafricaine. Il est donc essentiel d'accorder une attention renouvelée à un dialogue inclusif avec l'opposition politique et les groupes armés, dans le cadre du processus de paix. J'appelle à une remobilisation de toutes les parties prenantes aux niveaux national, sous-régional et régional pour une mise en œuvre holistique de l'accord politique de paix et de réconciliation. Je réaffirme également que la MINUSCA est continuera à offrir tout le soutien nécessaire à l’établissement d’un environnement propice à l'avancement du processus de paix.
  2. Je dois également préciser que la gouvernance décentralisée en République centrafricaine ne peut se cristalliser sans l'extension effective de l'autorité de l'État, sur l'ensemble du territoire nationale. Il s'agit là d'une priorité et d’un préalable à la restauration durable de la paix et du développement dans le pays. Je voudrais souligner que les efforts et les ressources investis par la Mission pour
 

étendre son espace opérationnel et renforcer sa posture préventive et robustes se sont traduits par une amélioration substantielle de la protection des civils, de l'accès humanitaire et de la mise en œuvre de l’intégralité du mandat que vous nous avez confié.

  1. Toutefois, nous savons que la responsabilité première de la protection des civils et de l'intégrité territoriale du pays, incombe au Gouvernement centrafricain, ce qui exige un renforcement des capacités des forces nationales de défense et de sécurité intérieure. Le seul soutien de la MINUSCA ne peut suffire. Ainsi, l'engagement renforcé et coordonné de tous les partenaires en faveur du renforcement des capacités stratégiques, opérationnelles et logistiques des forces de défense et de sécurité nationales reste essentiel.
  2. Je voudrais conclure en soulignant que, malgré les défis et difficultés multiples, la MINUSCA a contribué à protéger les civils, et a facilité la création d’un environnement propice à la redynamisation de la mise en œuvre du processus politique de paix et réconciliation, ainsi que l'acheminement d'une aide humanitaire vitale aux personnes les plus vulnérables. La Mission, à travers ses composantes en uniforme et civiles, a mis en œuvre le mandat avec rigueur, en mettant l'accent sur l’apport de solutions innovantes aux défis identifiés. Par ailleurs, je voudrais rendre un hommage vibrant au sacrifice des soldats de la paix. Au cours de ce mois d'octobre, nous avons perdu trois de nos casques bleus, lors de deux accidents de transport terrestre. Malgré les efforts louables du Gouvernement, du peuple centrafricain, avec l’appui de la MINUSCA les acquis restent très fragiles et appelle à une extension et consolidation de nos efforts conjoints pour minimiser les risques réelles de régression, particulièrement dans la perspective des échéances des élections municipales en 2024 et 2025 qui appelleront a un maillage encore plus étendu du plan conjoint des Forces de défense et sécurité Centrafricaines et de la MINUSCA pour la sécurisation des élections. Dans ce contexte, la présence de la Mission, dans ses capacités actuelles pleines et entières, demeure vitale à la restauration d’une paix durable et pérenne, en soutien du peuple et du Gouvernement de la République centrafricaine.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

PDF icondeclaration_de_la_rssg_au_conseil_de_securite_des_nations_unies_26_octobre_2023.pdf