Hommage posthume à Maurice Ngoundé, héros du règlement des conflits intercommunautaires

10 juin 2016

Hommage posthume à Maurice Ngoundé, héros du règlement des conflits intercommunautaires

Sélim, environ 700 kilomètres à l’Est de Bangui. Ce 4 Juin 2016, la localité voit pour la première fois, depuis les violences meurtrières d’octobre 2013, une centaine de Peuls et musulmans qui n’y avaient plus jamais remis les pieds, déambuler sans crainte dans ses rues. Chrétiens et musulmans se parlent enfin, dansent et mangent même ensemble. «Allez témoigner à Bangui, qu’en ce jour historique, vous avez vu des Peuls et des musulmans à Sélim», invite alors le représentant de la communauté musulmane à l’assistance venue nombreuse constater cet acte fort de restauration de la cohésion sociale.

Pour l’assistant de liaison communautaire du bureau de terrain de la section des Affaires civiles de la MINUSCA à Rafai (environ 600 kilomètres à l'est de Bangui), Maurice Ngoundé, l’heure est à la satisfaction car parvenir à ce résultat n’a pas été de tout repos. Six mois durant, son équipe et lui ont assuré la médiation entre les communautés, identifiant les besoins des populations en termes de protection, de résolution de conflits, de vivre ensemble et de cohésion sociale, de liberté de circulation et proposant des réponses plus adaptées. «Un travail acharné, fait d’incertitude et de reports incessants », se remémore l’officier des Affaires civiles de la MINUSCA basée à Bria, Djénéba Bénédicte Kouassi Dosso.  « Je n’arrêtais pas de (lui) poser la même question : y arriverons-nous, Maurice? Le fossé n’est-il pas trop grand entre les communautés musulmanes et chrétiennes? Et (lui) de me répondre, «Madame j’ai fait plusieurs missions, j’ai préparé le terrain, nous y arriverons!», se souvient-elle avec émotion.

Une nostalgie et une émotion que Maurice Ngoundé ne verra pas, puisqu’il s’est éteint le 6 juin 2016, soit deux jours après l’évènement historique de Sélim, des suites d’une courte maladie à l’âge de 47 ans, laissant derrière lui une épouse et un enfant.

Maurice Ngoundé était Assistant de Liaison communautaire au sein de la Division des Affaires civiles de la MINUSCA depuis le mois de juin 2015. Il était basé à Rafai dans la Préfecture de Mbomou, rattaché au Bureau de Bangassou (secteur Est), dans le Sud-Est de la RCA. « Il était un professionnel admiré pour son intelligence vive, sa farouche éthique de travail», reconnait-on unanimement au sein de la division. Les humanitaires en poste à Rafai et environs, eux aussi, ne tarissent pas d’éloges à son sujet. Le coordonnateur d’un projet media pour le compte de l’ONG internationale Catholic relief Services (CRS) à Zemio, Rafai et Bangassou, Joël Kangha, le décrit comme «un homme chaleureux qui traitait chacun avec gentillesse et respect ».

L’un des souvenirs les plus vifs à la mémoire du chef de la section des Affaires civiles de la MINUSCA, Laurent Guepin, reste encore l’épisode du soulèvement de la population de Rafai contre la Force de la Mission qui avait coûté la vie à un casque bleu. En début d’après-midi le 18 avril 2016, 20 hommes avaient, en effet, attaqué Agoumar, localité située à 5 km de Rafai centre, sur l’axe menant à Bangassou. Des soldats du contingent marocain avait été pris à partie par des habitants furieux de constater que des membres du mouvement rebelle de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army – LRA), avaient bénéficié de soins médicaux de la part de la Mission, en conformité avec le respect des droits de chaque homme. « Maurice s’était interposé pour calmer la population et tenter d’apaiser les esprits», se rappelle-t-il.

S’ils sont nombreux à s’accorder sur les qualités humaines et la conscience professionnelle de Maurice Ngoundé, d’aucuns étaient stupéfaits devant ses capacités linguistiques hors du commun. Titulaire d’une maîtrise en anglais, Maurice Ngoundé a, pendant longtemps, enseigné l’anglais dans différents établissements secondaires notamment au Lycée scientifique de Kembé, à l’école d’éthique chrétienne, au lycée New-Tech Institut et au collège préparatoire international (CPI) à Bangui. Les réactions de nombreux élèves ou anciens élèves ainsi que celles de nombreuses autres personnes sur les réseaux sociaux prouvent, s’il en est encore besoin, que Maurice était un enseignant compétent, très admiré et respecté au sein de la communauté scolaire et estudiantine en Centrafrique.

« Il nous étonnait régulièrement avec ses capacités linguistiques. Il s’est investi corps et âme dans les communautés où il a travaillé et était très apprécié pour cette sensibilité et ce dévouement », révèle encore M. Guepin qui tient, par ailleurs, à apporter soutien et réconfort « aux autres collègues assistants de liaison communautaire pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés sur le terrain alors qu’ils vivent et travaillent dans des conditions très difficiles. »

Comme Maurice Ngoundé, 52 Assistants de Liaison Communautaire sont basés dans plus de 35 localités pour œuvrer avec la MINUSCA et pour la République centrafricaine à une meilleure protection des populations, à la paix, la réconciliation et la restauration de l’autorité de l’Etat.

Depuis le 6 juin à Rafai, la consternation a laissé la place à la douleur. Hommes, femmes, enfants, ils étaient nombreux à accompagner la dépouille de Maurice Ngoundé pour son transfert vers Bangui, où un vibrant hommage lui a été rendu le 9 juin. « Avec son décès, sa famille, la MINUSCA et la Centrafrique ont perdu un véritable ouvrier de la paix », a déploré la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nation Unies, Diane Corner, à cette occasion.

Cette douleur doit désormais se muer en gratitude envers le disparu qui aura laissé une empreinte difficile à effacer dans l’histoire de la Mission, estime finalement sa collègue de Bria, Djénéba Bénédicte Kouassi Dosso. « Va en paix Maurice, tu as achevé le bon combat ». Merci héros !