Interview de la Représentante spéciale adjointe Denise Brown sur Guira FM

29 nov 2020

Interview de la Représentante spéciale adjointe Denise Brown sur Guira FM

Bangui, le 27 novembre 2020 - Les nations Unies ont exprimé leur satisfecit sur les avancées enregistrées dans les préparatifs des élections groupes de décembre prochain en Centrafrique. Lors d’une interview accordée à Guira FM, la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies en Centrafrique, Denise BROWN revient sur les pas franchis dans ce processus à 32 jours du scrutin.  

 

Guira FM (GFM) Madame la Représentante spéciale ajointe, bonjour  

Denise Brown (DB) : Bonjour ! 

 

GFM : Le G5, un groupe d’Etats et institutions internationales partenaires de la RCA, dont fait partie la MINUSCA, s’est exprimé lundi sur le processus électoral et a donné un satisfecit. Quels sont, à votre avis, les avancés sur ce plan. 

DB : La liste des avancées sur le plan devient de plus en plus longue. En fait nous sommes à 32 jours des élections générales dans le pays et le progrès est vraiment impressionnant et donc les Nations Unies tiennent à exprimer leur satisfaction du travail de tous les partenaires, notamment l’Autorité Nationale des Elections (ANE) qui est donc responsable pour la préparation. Et donc vraiment à un niveau plus concret, déjà en mai-juin il y’a eu la finalisation de la cartographie des centres d’inscription. Ça permet l’ANE avec les partenaires, en appui aussi au niveau de la logistique de finaliser la liste électorale, ça c’est absolument fondamental pour les élections et donc maintenant les chiffres sont à 1.858.236 personnes, des citoyens de ce pays qui ont dit qu’ils veulent voter. Et donc 46,6 % des femmes, ça c’est une avancée extrêmement importante.  

Il y’a maintenant aussi le plan logistique qui est bel et bien en place pour l’acquisition et ensuite l’acheminement de tous les matériels électoraux sensibles et non sensibles avec l’ANE, le PNUD, la MINUSCA, l’Union Européenne. Il y’a eu aussi la signature du plan de sécurisation par le Premier Ministre, le Représentant spécial et la Présidente de l’ANE, et ce plan est en cours d’opérationnalisation. 

Maintenant pour cette prochaine étape, le grand jour du 27 décembre, les bureaux des votes ont été identifiés et les recrutements des agents qui vont être dans ces bureaux de vote est aussi bien avancé. Au niveau opérationnel, au niveau des matériels, au niveau des bureaux de vote, au niveau du plan de sécurisation, acquisition des matériels, bien avancé et bien sûr je vais le souligner, les dossiers des candidats à la présidence et aux législatives étaient aussi fournis en nombre très important et donc nous attendons la décision de la Cour Constitutionnelle. Donc vous voyez, à 32 jours des élections les préparations sont extrêmes bien avancées. 

 

GFM : Vous êtes très optimiste, mais il y avait un déficit de 4 millions de dollars américain, il y’a juste deux semaines, a-t-on déjà réglé ce problème ou peut-on craindre un possible impact sur le processus notamment sur l’acquisition des matériels ? 

DB : Cette année est quand même une année spéciale pour le monde entier, la COVID a touché tous les pays, a touché les économies des pays. C’est vrai qu’il y’a un gap pour les élections générales de 4 millions de dollars, néanmoins les Nations Unies, je pense, toute la communauté internationale reconnait les efforts du gouvernement qui a contribué un milliard de francs CFA au basket fund pour aider dans l’achat des matériels et certains paiements. C’est un effort extrêmement important. Bien sûr, du côté des Nations Unies avec le PNUD, le Représentant spécial et moi-même, nous allons continuer à faire le plaidoyer auprès des Etats membres, mais le gap ne va pas empêcher les élections du 27 décembre. 

 

GFM : Etes-vous satisfaite de la mise en place du plan intégré de sécurisation des élections, d’autant plus qu’on remarque par exemple quelques incidents dans des provinces comme Paoua et Bouar, est-ce qu’à cette période cruciale, il y’a des craintes à ce niveau ? 

DB : Vous s’avez, une des différences entre les élections de 2015 et 2020 c’est que cette fois, il y’a le déploiement des FACA et le déploiement des forces de sécurité intérieure (FSI) pour renforcer les dispositifs sécuritaires et pour mettre les forces nationales en première ligne. Et donc, le déploiement des FACA et des FSI est en cours cette semaine, pour renforcer surtout des préfectures qui sont loin, qui ont des tensions dans le passé, nous constatons que cet engagement est en train d’être cristallisé. 

Le plan de sécurisation qui est à la fois un plan pour sécuriser des matériels électoraux, qui vont aussi à être acheminés, est aussi un plan de sécurisation pour les institutions et parfois pour les individus, est en cours d’être exécuté. Je ne dis pas que la matière est facile à gérer, je ne dis pas qu’il n’y a pas des questions complexes, je dis que la collaboration entre la MINUSCA et les différentes forces, avec aussi l’appui de l’EUTM, de l’Union Européenne est en place. Ce qui veut dire que quand il y’a un incident comme à Bouar ou Paoua, ensemble on le gère, mais pas juste au niveau de la sécurité, il faut aussi le dialogue et on va toujours du côté des Nations Unies privilégier le dialogue avant tout usage de force.  

 

Guira FM : Et comment se passe la collaboration entre la Force de la MINUSCA, la composante Police de la MINUSCA et les Forces de défense et de sécurité centrafricaine ? 

DB : Vous savez, il y’a un comité national pour la mise en place du plan de sécurisation et dont le point focal est madame la ministre de la défense, moi-même comme point focal pour les Nations Unies, le commandant de la force, le commissaire de Police, le directeur général de la Police, le directeur général de la Gendarmerie, le chef d’Etat-major de la Force, on se retrouvent chaque semaine, on met les défis sur la table. Entretemps, il y’a un suivi technique qui est fait. Je pense qu’encore une fois, la relation de confiance qui règne, nous aide à s’assurer la mise en place du plan de sécurisation.  

 

GFM :  A moins d’une trentaine du jour du 1er tour des élections on remarque une montée des tensions entre les acteurs politiques et le G5 se dit préoccuper, comment la MINUSCA réagit à cette situation ? 

DB : La MINUSCA joue son rôle et nous avons différents outils, d’abord vous avez vu le communiqué du G5, et le G5 dit avec une voix unanime sur le sujet, qu’il faut que tout le monde respecte les décisions de la Cour Constitutionnelle, respecte la loi et privilégie le dialogue. Et donc c’est le dialogue avant tout. Dans le mandat de la MINUSCA, le Représentant spécial utilise ses bons offices, il est toujours, même si on ne le voit pas en train de s’assurer qu’il y a dialogue, qu’il y a un échange. Mardi à Bangui, sur le terrain de l’UCATEX, il y avait une grande réunion organisée par la COD-2020, et après je pense, des échanges avec le gouvernement, ça s’est bien passé, en utilisant le dialogue comme outil principal, les choses sont restées très, très calmes.  

Et donc, les Nations Unies, le G5, nous rappelons à la classe politique qu’elle a une responsabilité de respecter la loi, de respecter les décisions de la Cour Constitutionnelle, et surtout de ne pas mettre la population en difficulté. La population de la République centrafricaine a vécu des jours, des mois, des années très difficiles, très dangereux. J’étais à Alindao il y a une semaine, j’ai vu encore une fois, la trace du conflit, les cicatrices sur la population physiquement, mais aussi sur l’esprit de la population. Et cette population aussi réclame des élections paisibles et donc la classe politique doit non seulement respecter la loi, mais le souhait de sa propre population.  

 

GFM : Madame la Représentante spéciale adjointe, est-ce qu’à ce stade il y a des craintes que ces élections soient perturbées ? 

DB : Le code de bonne conduite dont tous les candidats et partis politiques seront demandés de signer dit qu’il faut respecter la loi, qu’il faut respecter les institutions, qu’il faut respecter la Cour Constitutionnelle. En signant ce document devant des témoins, avec la diffusion de ce document absolument critique pour la bonne préparation des élections, avec le dialogue, avec les échanges, nous pensons que tous les acteurs vont avoir les informations nécessaires, les outils nécessaires et la compréhension nécessaire qui vont les permettre de respecter la demande de la population d’aller paisiblement vers les élections, le 27 décembre. 

 

GFM : Qu’est-ce que vous dites à ces responsables politiques qui sont à la base de la montée des tensions notamment à travers des discours de haine et de divisions ? 

DB : Les Nations Unies, le Secrétaire général des Nations Unies, le Représentant spécial de la MINUSCA, tous les staffs des Nations Unies, nous n’acceptons pas les discours de haine. Ce n’est pas comme ça qu’on peut gérer un pays, ce n’est pas comme-ça qu’on peut gérer les préparations des élections, en attaquant des individus, en racontant des mensonges, carrément des mensonges, il faut juste arrêter. Dans le code de bonne conduite, il y a un article qui a précisé que les candidats ne devraient pas utiliser le discours de haine. Ce n’est pas comme-ça que le pays va pouvoir progresser, en utilisant ces mots franchement et parfois même choquants. Les Nations Unies, nous n’accepterons pas de discours de haine, le G5 non plus n’accepte pas ces discours de haine.  

 

GFM : Madame, le G5 dit se tenir au côté du peuple centrafricain et des institutions de la RCA pour assurer un bon succès de ce processus électoral qui est le deuxième, avez-vous un message à lancer à la population centrafricaine à l’approche de ces élections ? 

DB : Pour le peuple centrafricain, le message des Nations Unies, de la MINUSCA, des agences : ce sont vos élections, vous êtes les propriétaires de ces élections, utilisez votre droit de voter pour aller voter le 27 décembre pour dire ce que vous voulez pour votre pays, c’est ça le message des Nations Unies. Vous avez une responsabilité, vous avez une opportunité, il faut aller l’utiliser, les hommes et les femmes.  

 

DFM : Est-ce que vous avez un autre message ou un dernier mot à ajouter ? 

DB : Ce sont des élections historiques pour le pays. En 2015 c’étaient des élections pendant la période de transition. Maintenant les institutions sont en place, le gouvernement est en place, vraiment c’est un moment pour la République centrafricaine de marquer le passage d’un pays en conflit, à un pays qui est en paix. 

 

GFM : Madame la Représentante spéciale adjointe, je vous remercie d’avoir répondu aux questions de Guira FM.  

DB : Merci beaucoup à vous. 

 

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