Réconciliation nationale : la prison pour hommes de Bangui ne veut pas en être en marge

17 juil 2015

Réconciliation nationale : la prison pour hommes de Bangui ne veut pas en être en marge

Des clameurs s’élèvent. Une partie de la cour de la prison pour hommes de Ngaragba, à Bangui, transformée en stade de football ce jeudi 16 juillet 2015, est envahie par des dizaines de supporters qui scandent des chants de victoire. En l’absence de boisson gazeuse, des jets d’eau servent à arroser les vainqueurs du match qui vient d’opposer deux équipes composées chacune de détenus chrétiens et musulmans. Cette rencontre sportive, ainsi que le don de vivres effectué par la Coordination musulmane Centrafricaine (COMUC) qui s’en est suivi, s’inscrivent dans le cadre des activités socioculturelles organisées par la section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires de la MINUSCA, en collaboration avec les autorités de la Maison d’Arrêt de Ngaragba, en vue de marquer la fin du jeûne musulman.

Entre accolades, éclats de rire et marques de soutien, les détenus, toutes confessions religieuses confondues, disent vouloir montrer qu’il n’existe plus, entre eux, aucune animosité. « Nous n’avons pas de problèmes ici et vivons en bonne intelligence. Avant, ce n’était pas le cas, mais maintenant, grâce aux sensibilisations, nous avons compris que nous sommes avant tout des frères, des enfants d’un même pays», témoigne le détenu D.K., comédien d’un jour, dont les scènes d’imitation de l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalinga, ont arraché de fous rires à l’assistance. Pour le régisseur de la prison de Ngaragba, le Commandant Edouard Moundoua, « toutes ces activités permettent de rassembler les pensionnaires autour des valeurs de solidarité et d’union », et contribuent à leur faire oublier leurs différences ».

Loin d’être isolée, cette initiative, menée dans le sens de la réconciliation nationale, se multiplie et prend des formes diverses, explique le président de la COMUC, l’imam Camara, qui se réjouit de l’évolution positive de la situation des détenus : « cette année, un lieu de culte a même été aménagé pour les musulmans de la prison. Cela n’avait jamais existé depuis l’indépendance ! »,  s’exclame-t-il. Un enthousiasme partagé par le secrétaire général de la Fraternité catholique des prisons de Centrafrique, Sylvain Mathias Ballet, qui, par le biais de la radio Notre Dame, diffuse une fois par semaine une émission dédiée aux prisonniers. «Ces émissions invitent tous les auditeurs à être solidaires de leurs frères et sœurs incarcérés dans les maisons d’arrêt, car ce sont aussi des êtres humains qui ont besoin de soutien », indique le laïc.

En effet, de nombreux défis restent à relever dans le milieu carcéral centrafricain. Les autorités n’ont jusqu’ici pu venir à bout de la surpopulation des prisons. Celle de Ngaragba, la plus grande du pays, compte à ce jour 686 détenus dont 368 prévenus et 318 condamnés pour une capacité d’accueil de 400 places, selon les dernières statistiques disponibles auprès de la section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires de la MINUSCA.

La situation des mineures est, elle aussi, jugée préoccupante, puisque ces derniers sont installés  dans les mêmes cellules que les adultes. Mais pour ce second problème, des voies de solution ont pu être dégagées. « Le projet de construction d’un pavillon entièrement consacré aux jeunes détenus a été initié et sera bientôt mis à exécution », fait savoir Ange Francois ATTA, de la section de la Protection de l’Enfant de la MINUSCA.

L’administration pénitentiaire centrafricaine compte un peu moins de 100 employés pour l’ensemble du pays. Ces derniers ne sont pas suffisamment formés et équipés, et la sécurité dans les prisons est assurée par l’armée. Aussi, la MINUSCA appuie-t-elle le système carcéral avec une équipe de cinq officiers pénitentiaires, qui évoluent en collocation à Ngaragba, prodiguant quotidiennement des conseils aussi bien au régisseur qu’au personnel. Cet appui concerne le suivi de la sécurité, la gestion de l’alimentation, le suivi du greffe pénitentiaire, la catégorisation des détenus et leur classement dans les quartiers, entre autres. L’équipe sert également d’interface entre la prison et les unités de police constituées (UPC) de la MINUSCA qui assurent la sécurité extérieure du pénitencier. Cette entité est appuyée par une équipe de spécialistes en formation qui procurent une formation sur le tas au personnel militaire en charge de la  sécurité de la prison.  Un médecin pénitentiaire de la MINUSCA appuie également l’unité médicale de la prison en matière de santé carcérale.